
«Les hommes sont soumis à des pressions grandissantes pour avoir un corps musclé et cut. Il suffit d'ouvrir n'importe quel magazine pour hommes pour le constater», souligne Catherine Bégin.
Les chercheurs ont mené une enquête auprès de 386 hommes âgés en moyenne de 22 ans. «Nous les avions recrutés en diffusant un courriel dont l'en-tête était "Jamais assez musclé"», rappelle la responsable du projet, Catherine Bégin. Ces trois mots résument bien l'essence du problème. Les personnes – le plus souvent de jeunes hommes – qui souffrent de dysmorphie musculaire sont insatisfaites de leur apparence physique, ce qui les pousse à s'entraîner compulsivement, à exercer un contrôle très rigoureux de leur alimentation et parfois même à utiliser des produits anabolisants pour augmenter leur masse musculaire.
«Au départ, l'insatisfaction provient de l'écart entre le corps que ces hommes souhaiteraient avoir et le corps qu'ils ont, même si le plus souvent, ils sont déjà plutôt musclés, poursuit la chercheuse. De nos jours, les hommes sont soumis à des pressions grandissantes pour avoir un corps musclé et cut. Il suffit d'ouvrir n'importe quel magazine pour hommes pour le constater.»
L'idéal du corps masculin qu'on y propose est difficile à atteindre, ce qui expliquerait pourquoi le niveau d'insatisfaction des hommes par rapport à leur corps est en hausse au point où il s'approcherait même de celui des femmes. La prévalence de la dysmorphie musculaire se situerait entre 13 et 44% chez les culturistes. Chez les hommes qui fréquentent les centres d'entraînement et chez les étudiants universitaires, elle atteindrait environ 6%.
«Le désir d'avoir un corps musclé devient problématique lorsqu'il provoque l'adoption de comportements rigides qui interfèrent avec le travail, la vie sociale ou la vie familiale, précise la professeure Bégin. Le taux de suicide serait plus élevé chez les gens qui souffrent de dysmorphie musculaire que chez ceux qui sont atteints d'une autre forme de dysmorphie corporelle.»
Le monde scientifique est divisé par rapport au classement de ce trouble. Le DSM-5 classe ce problème parmi les troubles obsessionnels compulsifs, mais de nombreux chercheurs y voient de nombreux points communs avec les troubles alimentaires. L'analyse des réponses fournies par les 386 jeunes hommes qui ont participé à l'enquête appuie cette dernière hypothèse sans écarter la première.
«Tout comme l'anorexie, la dysmorphie musculaire fait intervenir une diète stricte et l'activité physique dans la poursuite d'une image corporelle idéalisée. Par contre, une faible estime de soi, une gêne sociale élevée et l'impression de ne pas être à la hauteur peuvent aussi mener à l'adoption de comportements d'entraînement et d'alimentation caractéristiques de la dysmorphie musculaire. Lorsque l'on traite une personne qui souffre de dysmorphie musculaire, il est important de tenir compte des différentes causes possibles», souligne Catherine Bégin.
Jusqu'à présent, la dysmorphie musculaire a surtout été l'affaire des hommes, mais les choses pourraient changer, estime la chercheuse. «La popularité du culturisme et du CrossFit chez les femmes les rend maintenant plus à risque de dysmorphie musculaire.»