
Pour les besoins de la pièce 887, Lepage a fait construire une maquette de la demeure où il a passé son enfance. Plusieurs croient que c'est le poème Speak White, de Michèle Lalonde, qui a inspiré l'histoire. En fait, l'idée d'intégrer ces mots dans le spectacle est venue à la fin du processus de création, explique-t-il dans le livre de Ludovic Fouquet.
— Ex Machina
Chargé de cours au Département de littérature, théâtre et cinéma de l'Université Laval, l'auteur connaît bien le travail de Lepage. Son projet de doctorat portait sur l'utilisation des technologies dans ses pièces. Lui-même metteur en scène et artiste visuel, il a aussi contribué à la création d'un cours en ligne sur l'univers du dramaturge.
Plaquette de 113 pages, son ouvrage relate un entretien que les deux hommes ont mené en novembre 2017 à la Caserne Dalhousie. «L'entrevue a permis de revenir sur le travail du metteur en scène et sur l'élaboration de ses projets. L'idée était de détailler l'évolution de certaines œuvres comme 887, mais aussi la genèse de son parcours, en essayant de repérer les chocs décisifs, ainsi que les étapes et les rencontres marquantes», explique Ludovic Fouquet.
Plusieurs aspects de la démarche de l'artiste sont abordés dans le livre, notamment son approche pluridisciplinaire. «Pour lui, les projets autres que théâtraux sont en fait une manière de réfléchir à l'art même du théâtre pour mieux y revenir, dit l'auteur. L'opéra, le cirque et le cinéma sont des disciplines avec leurs règles propres qui nourrissent Lepage et le renseignent sur l'art du théâtre, lui permettant de pointer les limites et les possibilités propres à chacune avant de les croiser, de les faire se rencontrer sur un plateau. Son approche est donc toujours avant tout théâtrale.»
Dans le livre, il est question du «chaos» qui est au cœur de sa méthode de travail. De fait, Lepage n'hésite pas à improviser et à apporter des modifications à ses pièces jusqu'à la dernière représentation. Pour lui, «un spectacle est fixé seulement le jour où on ne le joue plus». Dans ce contexte, il invite ses comédiens à être des «acteurs-créateurs». Il s'attend à ce que ces derniers proposent des idées auxquelles il n'aurait pas pensé. «L'acteur-interprète ne m'intéresse pas. Je ne travaille pas à l'interprétation, mais j'essaie de travailler à l'invention. […] Diriger, c'est faire confiance à l'intelligence de l'acteur, l'aider à comprendre des choses que tu ne comprends pas toi-même», dit-il dans le livre.
Très substantiel, cet ouvrage fera le bonheur de tous ceux qui désirent découvrir l'envers du décor de ses pièces. «J'aimerais que le lecteur saisisse à quel point Lepage fut imaginatif et intuitif, qu'il comprenne de quelles façons il s'est nourri d'autres pratiques pour créer un théâtre visuel si fort. Pour lui, le théâtre est un art vivant et éphémère, un art de communion», conclut Ludovic Fouquet.