
L'étude relève de nombreux problèmes associés à la prescription d'opioïdes, notamment une posologie inadéquate, des erreurs d'application des normes de prescription des opioïdes par les médecins et des difficultés de communication entre les pharmaciens et les médecins qui prescrivent ces médicaments.
Le Canada figure au sommet de la liste des pays où l'on prescrit le plus d'opioïdes pour traiter la douleur. Pour connaître le point de vue des pharmaciens sur ce problème, les chercheurs ont mené, en 2016, un sondage auprès des membres de l'Ordre des pharmaciens du Québec. «Les pharmaciens sont les experts du médicament et comme ils reçoivent les prescriptions d'un grand nombre de médecins, ils sont bien placés pour avoir une vue d'ensemble de la situation», souligne le premier auteur de l'étude, Pierre-André Dubé, chercheur à l'INSPQ et chargé d'enseignement clinique à la Faculté de pharmacie et à la Faculté de médecine.
Les réponses fournies par 542 pharmaciens révèlent que la prescription d'opioïdes s'écarte d'une utilisation optimale dans plus de la moitié des cas, rapportent les chercheurs dans le Canadian Pharmacists Journal. Parmi les problèmes fréquents (4 à 7 prescriptions sur 10) ou très fréquents (8 à 10 prescriptions sur 10), mentionnons l'absence de prescription pour un médicament d'appoint requis en raison de la prise d'opioïdes – un laxatif ou un coanalgésique par exemple – (rapporté par 30% des répondants), le non-respect des règles générales relatives à la prescription d'opioïdes (26% des répondants), la prescription d'opioïdes pour des douleurs légères ou modérées qui auraient pu être soignées avec des analgésiques non opiacés (20% des répondants) et des interactions possibles avec les autres médicaments du patient (16% des répondants).
Autre constat, la moitié des patients reviennent chercher des opioïdes avant la date prévue, ce qui suggère qu'ils en surconsomment, que leur douleur est mal contrôlée ou qu'ils donnent ou vendent leurs médicaments à d'autres personnes. D'ailleurs, 10% des répondants soupçonnent des patients de revendre leurs opioïdes à proximité de la pharmacie et 9% croient que certains patients ont obtenu des prescriptions d'opioïdes de plus d'un médecin.
Les communications à propos de la prescription d'opioïdes ne sont pas toujours faciles entre les pharmaciens et les médecins traitants. D'abord, 17% des répondants rapportent fréquemment ou très fréquemment ne pas parvenir à lire l'écriture du médecin sur l'ordonnance. De plus, 9 répondants sur 10 tentent régulièrement d'entrer en contact avec le médecin traitant pour discuter de la prescription, mais 72% disent qu'il est souvent ou très souvent difficile de le rejoindre. Plus de 4 répondants sur 10 disent respecter la prescription du médecin, mais ils suggèrent verbalement aux patients de réduire le dosage.
Les opioïdes sont des médicaments régis par Santé Canada et seuls les praticiens peuvent les prescrire ou en modifier la prescription. «La loi fédérale actuelle ne reconnaît pas les pharmaciens comme des praticiens, ce qui leur laisse peu de marge de manœuvre pour tout ce qui touche les opioïdes», constate Pierre-André Dubé. Pourtant, 85% des pharmaciens qui ont participé au sondage estiment être en mesure de détecter les abus et la mauvaise utilisation des opioïdes et 74% sont à l'aise pour discuter d'abus ou de mauvaise utilisation des opioïdes avec leurs patients.
«Le contexte légal actuel et la difficulté de communiquer avec les médecins traitants font en sorte que les pharmaciens ne peuvent jouer pleinement leur rôle pour assurer la meilleure utilisation possible des opioïdes, estime le chercheur. Au bout du compte, ce sont les patients qui en souffrent.»
Outre Pierre-André Dubé, les auteurs de l'étude sont Julien Vachon, de l'INSPQ, Caroline Sirois, de la Faculté de médecine, tous trois rattachés au CHU de Québec – Université Laval, et Élise Roy, de l'Université de Sherbrooke.