Pour faire cette démonstration, les chercheuses ont recruté 80 couples qui faisaient vie commune depuis au moins 6 mois. «Afin de ne pas biaiser leurs comportements, nous leur avions dit qu’il s’agissait d’une recherche évaluant l’effet du stress sur le goût des aliments», souligne Catherine Bégin, professeure à l’École de psychologie. À leur arrivée au laboratoire, les membres de chaque couple étaient conduits dans des pièces séparées où on leur demandait de coter leur humeur du moment à l’aide d’une échelle visuelle allant de 0 à 150. Ils devaient ensuite remplir un questionnaire servant à établir leur indice de restriction ou de préoccupation alimentaire. «Il s’agit d’un indicateur qui traduit dans quelle mesure chaque participant s’impose des règles alimentaires, des interdits, tels que des aliments qu’il faut éviter ou qu’il faut consommer de façon très modérée», explique la professeure Bégin. Enfin, les chercheuses demandaient à chaque participant de dresser une liste de comportements ou attitudes qu’il souhaitait que leur conjoint change.
Les membres du couple étaient ensuite réunis dans un local pour participer à une discussion de 15 minutes pendant laquelle chacun devait aborder au moins un des éléments figurant sur sa liste. Après cette discussion conçue pour induire un stress, chaque participant retournait dans un local où, en plus de réévaluer son humeur, il devait coter sa perception de faim sur une échelle visuelle de 0 à 150. Par la suite, chaque participant était invité à goûter au moins une bouchée de chacune des collations qui leur étaient présentées dans quatre contenants (des friandises de chocolat au lait, des croustilles, des bretzels et des biscuits) et d’en évaluer le goût. «Nous les avions avisés qu’une fois ce travail terminé, ils pouvaient manger à volonté ce qui restait, précise la chercheuse. Nous avons mis fin à l’exercice après 10 minutes et nous avons calculé ce qu’ils avaient consommé afin d’établir la prise alimentaire spontanée qui a suivi la discussion. Par la suite, nous les avons informés du véritable but de l’expérience (aucun participant n’avait deviné) afin d’obtenir leur consentement éclairé.»
Les analyses des chercheuses révèlent que la discussion a eu un effet négatif significatif sur l’humeur des femmes, mais pas sur celle de leur conjoint. Chez les hommes, le principal facteur qui semble jouer dans la quantité d’aliments consommés après la discussion est leur perception d’appétit. Par contre, chez certaines femmes, plus l’humeur s’assombrit à la suite de la discussion, plus leur prise alimentaire est élevée. «Elles mangent plus en réponse aux émotions négatives, comme si le stress induit par la discussion inhibait le contrôle qu’elles ont sur leur prise alimentaire», avance la professeure Bégin. Cette relation est observée uniquement chez les femmes qui ont, à la fois, un surpoids et un indice de restriction alimentaire élevé. Cette situation est courante dans la population puisque les deux tiers des femmes qui ont un surpoids s’imposent des restrictions alimentaires.
Comme les discussions font partie de la vie quotidienne des couples, il est important que les femmes qui ont un problème de poids soient sensibilisées à la possibilité que cette source de stress puisse affecter leurs comportements alimentaires, souligne Catherine Bégin. «La qualité de la communication dans le couple et les tensions avec le conjoint sont des éléments que les nutritionnistes et les psychologues pourraient aborder dans leurs interventions auprès de ces femmes.»
L’étude a été réalisée par Marilou Côté, Marie-Pierre Gagnon-Girouard (maintenant à l’UQTR) et Catherine Bégin, de l’École de psychologie, et Véronique Provencher, de l’École de nutrition.