
Le 26 avril, l'auteure Esther Rochon, ainsi que Stéphane Leman-Langlois, professeur à l'École de service social, et Guillaume Latzko-Toth, professeur au Département d'information et de communication, échangeront et confronteront leurs visions à ce sujet au cours de l'événement Paroles sous surveillance, une soirée organisée par les productions Rhizome et Le Cercle – Lab vivant.
L'espace numérique est-il un simple lieu d'expression citoyenne sans contrainte? Arpenter les réseaux sociaux, s'y exprimer, explorer des sites: tout cela laisse des traces numériques qui nuisent parfois aux utilisateurs insouciants. Spécialisé dans l'usage des médias numériques, le professeur Guillaume Latzko-Toth explore ce thème avec ses étudiants au baccalauréat en communication. «Au début du cours, ceux-ci n'ont pas conscience que telle ou telle application sur leur téléphone permet leur géolocalisation, ou encore que leurs recherches de produits sur Internet vont ensuite générer des publicités particulières», explique le chercheur.
Une fois avertis des possibles conséquences de leur navigation, les étudiants sont-ils prêts à faire certains compromis? Selon Guillaume Latzko-Toth, pour cette génération, qui est presque venue au monde avec un téléphone intelligent dans la main, se passer des médias sociaux n'est pas une option envisageable. Ce type de rapport instantané faisant désormais partie des normes sociales, ne pas s'afficher sur Facebook reviendrait à s'exclure de son réseau. «Ils sont toutefois prêts, fait remarquer le professeur, à une certaine intrusion dans leur vie privée, comme recevoir des publicités ciblées, plutôt que des pubs indifférenciées pour des produits qui ne les intéressent pas.»
C'est dans le cadre de ses propres recherches que Guillaume Latzko-Toth a constaté que les internautes vivent sous une certaine surveillance de leurs pairs. Les informations personnelles publiées sur Facebook, la géolocalisation volontaire: autant d'éléments qui placent notre vie sous le regard des autres. Cette prise de conscience amène donc parfois les utilisateurs à s'autocensurer sur les réseaux sociaux, comme supprimer des photos compromettantes aux yeux d'un futur employeur, ne pas visiter un site qui rendrait l'internaute suspect aux yeux d'un organisme de veille sur les terroristes ou, plus simplement, restreindre l'expression de son opinion. «C'est un paradoxe, affirme Guillaume Latzko-Toth, les médias numériques offrent d'immenses possibilités de communication, mais je crains que cette surveillance diffuse ne limite les échanges».
«On se crée donc nous-mêmes, peu à peu, une société de surveillance», estime pour sa part Stéphane Leman-Langlois, professeur à l'École de service social. À ce sujet, le criminologue rappelle une étude récente dans laquelle des internautes, qui se croyaient peu influençables, modifiaient leur comportement selon l'environnement. Pour les besoins de l'étude, leur fil d'actualité Facebook avait été modifié. Résultat: cela avait un effet direct sur le type d'appréciation (c'est-à-dire le type de mention «J'aime») que ces internautes utilisaient par la suite. «Il ne faut pas devenir paranoïaques, soutient le professeur, et penser que Facebook ou les autres médias sociaux disposent d'outils de surveillance très perfectionnés. Par contre, la situation pourrait changer rapidement dans un proche avenir si les algorithmes et les recherches menées sur les profils d'utilisateurs de réseaux sociaux se raffinent.»
Pour plus d'information sur l'événement, rendez-vous sur le site de Rhizome ou sur celui du Cercle – Lab vivant.