
«Des groupes de la population qui n'étaient pas pauvres le sont devenus. On peut penser aux familles monoparentales. Il y a aussi la pauvreté laborieuse, les working poor, des travailleurs insuffisamment payés pour pouvoir subvenir à leurs besoins», explique Sylvie Morel, professeure au Département des relations industrielles et membre du comité de direction du Centre d'étude sur la pauvreté et l'exclusion (CEPE).
Ce sont là quelques-uns des visages extrêmes de la pauvreté et de l'exclusion sociale répertoriés dans un récent avis du ministère du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale. Le document, publié en 2015 par le Centre d'étude sur la pauvreté et l'exclusion (CEPE), conclut que pour la plupart des indicateurs étudiés, des différences notables sont observables relativement à l'exclusion sociale, selon que l'on est à faible revenu ou non.
Selon Sylvie Morel, professeure au Département des relations industrielles et membre du comité de direction du CEPE, il est important de mieux comprendre les processus d'exclusion dans les diverses trajectoires de vie de chaque individu. «Où se sont produits les problèmes? demande-t-elle. Par exemple, quelles ont été, pour la personne, les périodes de transition liées à l'emploi ou à la famille? A-t-elle dû passer involontairement du temps plein au temps partiel ou se tourner vers d'autres formes de travail atypiques, comme le travail autonome? A-t-elle connu des épisodes de chômage ou une rupture conjugale?» La professeure estime qu'en tant que société, il est important de prendre conscience des processus d'exclusion qui sont liés à ces périodes de transition. «Pour les gouvernements, dit-elle, il est essentiel de faire en sorte qu'une certaine sécurité financière soit assurée aux individus au cours de telles périodes de transition, en adoptant des politiques publiques préventives qui, par définition, interviennent en amont des situations de pauvreté.»
Sylvie Morel participait comme panéliste à la dernière rencontre de la saison 2015-2016 de la Chaire publique ÆLIÉS, qui a eu lieu le 20 avril. L'activité, dont le thème était «Une chance égale pour tous – vaincre la pauvreté au Québec», se déroulait à l'amphithéâtre Hydro-Québec du pavillon Alphonse-Desjardins.
Selon la professeure, de nouvelles formes de pauvreté ont vu le jour et rendent le phénomène encore plus complexe. «Des groupes de la population qui n'étaient pas pauvres le sont devenus, explique-t-elle. On peut penser aux familles monoparentales. Il y a aussi la pauvreté laborieuse, les working poor, des travailleurs insuffisamment payés pour pouvoir subvenir à leurs besoins.»
Dans ses interventions, Sylvie Morel a également parlé du caractère genré des trajectoires de vie. «Les trajectoires sont différentes pour les hommes et les femmes, affirme-t-elle. Les femmes en font plus pour la famille comme proches aidants. En grande majorité, elles donnent des soins aux personnes âgées, au point de mettre leur situation économique en péril. Certaines choisissent de quitter leur emploi.»
D'autres faits intéressants sont à noter dans l'avis de 2015. Par exemple, on apprend qu'en 2010, les familles à faible revenu ont consacré près de 60% de leur revenu disponible au paiement de leur loyer. Une statistique stable par rapport à 2007. «Pour être à l'aise, soutient Sylvie Morel, il est recommandé de consacrer 30% de son revenu au loyer, afin de disposer de suffisamment de revenu pour le reste des dépenses courantes. Dépasser ce seuil représente un handicap majeur.»
Un autre document du CEPE paru en 2014 indique que la proportion d'hommes ayant un revenu faible a augmenté de 0,6% entre 2002 et 2011, tandis que la proportion de femmes diminuait de -0,9%. L'étude révèle également que la région de Montréal avait, sur son territoire, le taux de personnes à faible revenu le plus élevé en 2010 (16,6%), alors que Chaudière-Appalaches avait le taux le plus faible (4,8%).