
«Pour les mères d'autrefois, demeurer à la maison était une obligation. Aujourd'hui, il s'agit d'un acte d'affirmation», affirme l'auteure.
— VLB Éditeur
«Le travail peut être le lieu où l'on a le sentiment de se dépasser et d'oeuvrer à quelque chose de plus grand que soi, convient Annie Cloutier, mais on peut aussi se dépasser au sein du couple, de la famille et du foyer. Or cette idée n'est pas valorisée dans notre société. Je reconnais tous les acquis et apports du féminisme. Je déplore cependant qu'il fasse du travail rémunéré le seul garant de l'autonomie et de la liberté des femmes.»
Au-delà de son expérience personnelle, Annie Cloutier connaît bien le sujet. Dans son mémoire de maîtrise en sociologie, elle a examiné le discours féministe sur les mères au foyer scolarisées québécoises de la classe moyenne, à partir d'articles parus dans la Gazette des femmes, de 1990 à 2010. «Les mères que j'ai interrogées au cours de mes recherches sont bien conscientes que leur choix de rester à la maison va à l'encontre des valeurs dominantes, dit Annie Cloutier. Pour les mères d'autrefois, demeurer à la maison était une obligation. Aujourd'hui, il s'agit d'un acte d'affirmation.»
Comme bien des femmes qui ont fait ce choix, Annie Cloutier s'est fait dire qu'elle était «chanceuse» de pouvoir se permettre de rester à la maison, le salaire de son conjoint étant assez élevé pour faire vivre toute la famille. Il reste qu'une décision de ce genre conduit naturellement bien des couples à pratiquer la simplicité volontaire. «Quand on décide que le temps passé auprès de sa famille a une valeur plus élevée que les dizaines de milliers de dollars que pourrait rapporter un travail rémunéré, on en vient vite à remettre en question la moindre convention sociale», souligne-t-elle. Par exemple, se teindre les cheveux est-il bien nécessaire? Pourquoi faut-il offrir un cadeau à l'enseignante de nos enfants? Pourquoi les vêtir avec des vêtements neufs ou à la dernière mode alors qu'on peut très bien s'échanger les vêtements entre parents et amis? Pourquoi la minifourgonnette, l'abonnement à la station de ski, le voyage annuel dans le Sud? Et la liste des obligations qu'on se crée pourrait s'allonger…
Annie Cloutier est consciente que les idées véhiculées dans Aimer, materner et jubiler heurtent de plein front l'idéologie féministe. À ses yeux toutefois, et à ceux de plusieurs femmes à qui elle a parlé, l'égalité réelle au sein du couple repose moins sur les revenus gagnés que sur la reconnaissance de la dignité et la valeur des accomplissements de l'autre. Et bien qu'elle reste d'accord avec plusieurs objectifs et analyses féministes, elle déplore cette obstination à vouloir tout égaliser qui est devenue la norme dans ce «féminisme institutionnalisé» en vigueur au Québec. Dans cet esprit, et au risque d'en choquer plusieurs, elle estime qu'être mère ne devrait pas être la même chose qu'être père. «Je voudrais que chaque femme puisse arriver à ces conclusions après avoir lu le livre, dit Annie Cloutier, par ailleurs auteure de trois romans parus aux Éditions Tryptique, dont le dernier s'intitule justement Une belle famille (2012).