
La matrice de PLCL, à laquelle les chercheurs ont ajouté du collagène et de l'hydroxyapatite, offre un milieu accueillant pour les cellules qui produisent le tissu osseux. En médaillon, une coupe transversale de cette matrice en révèle la structure poreuse, semblable à celle de l'os.
— Mahmoud Rouabhia
Les traumatismes, anomalies congénitales, résections de tissus cancéreux et maladies parodontales sont autant de problèmes qui nécessitent des greffes de tissus osseux. Prélever un morceau d'os sur un patient pour le greffer sur une autre partie de son corps pose toutefois de nombreux problèmes qui pourraient être évités en produisant du tissu osseux in vitro. «Notre objectif est de créer un équivalent d'os qui peut être greffé sur un patient, qui peut favoriser la prolifération des cellules productrices de tissu osseux – les ostéoblastes – et qui peut ensuite se résorber pour faire place au tissu osseux natif», résume Mahmoud Rouabhia.
La première étape de cette recette consiste à trouver une matrice qui convient aux besoins des ostéoblastes. Tout comme l'os, ce matériau doit être poreux et accueillant pour les cellules responsables de l'ossification. Les essais menés jusqu'à présent avec le copolymère PLCL donnaient des résultats encourageants à un détail près: les ostéoblastes n'avaient pas d'affinité avec ce matériau. L'équipe du GREB a eu l'idée d'y ajouter deux composés qui se trouvent dans l'environnement naturel de l'os: le collagène et l'hydroxyapatite.
Autre détail important à régler: où se procurer les cellules souches à l'aide desquelles on ensemence cette matrice? «Il y a des cellules souches génératrices d'ostéoblastes dans les cordons ombilicaux, le tissu adipeux, les muscles, le coeur, le derme et la moelle osseuse, souligne le professeur Rouabhia, mais nous avons eu l'idée de tester une autre source potentielle: la pulpe dentaire. On trouve là une population très homogène de cellules qui peuvent être différenciées en ostéoblastes plus rapidement que les cellules souches d'autres provenances. C'est une caractéristique qui pourrait être avantageuse lorsque l'état d'un patient exige une intervention rapide.»
Six personnes qui s'étaient fait enlever une dent de sagesse ont consenti à ce que celles-ci soient utilisées aux fins de cette étude. Les tests in vitro menés à l'aide de la matrice conçue par les chercheurs montrent que les cellules souches de la pulpe dentaire se différencient en ostéoblastes, s'installent rapidement sur la matrice, y adhèrent bien et envahissent ses pores.
De plus, les chercheurs ont découvert que ces cellules expriment certains gènes associés à la production d'os et qu'elles synthétisent les constituantes de base du tissu osseux. «Notre modèle fonctionne in vitro, constate le professeur Rouabhia. La prochaine étape consiste à démontrer que le tissu osseux ainsi produit peut favoriser la réparation et la régénération de l'os dans un modèle animal.»