
Pseudomonas aeruginosa vue au microscope électronique à balayage. Certaines souches de cette bactérie endommagent gravement les poumons des personnes souffrant de fibrose kystique.
— CDC/Janice Haney Carr
En 1996, une souche de P. aeruginosa particulièrement virulente a été découverte chez des enfants atteints de fibrose kystique qui étaient traités dans un hôpital de Liverpool en Angleterre. Cette souche présente une autre particularité. Alors qu'on croyait jusque-là que les infections à Pseudomonas étaient toujours causées par des bactéries de l'environnement, cette souche s'est révélée capable de se transmettre d'un patient à un autre. Dans un récent numéro de PLOS ONE, l'équipe de Roger Levesque apporte une nouvelle inquiétante aux Canadiens atteints de fibrose kystique et à leurs médecins: des bactéries quasi identiques à la souche de Liverpool ont été trouvées au pays. En effet, la comparaison des génomes de trois souches de Liverpool et de quatre souches isolées chez des patients de la région d'Ottawa montre qu'il est pratiquement impossible de distinguer les deux groupes.
Au moins deux hypothèses peuvent expliquer la présence de cette souche de part et d'autre de l'Atlantique, avance Roger Levesque. La première: la souche épidémique de Liverpool a pu être apportée au Canada par des malades qui ont voyagé entre les deux pays. La seconde: cette souche existait déjà dans les deux pays et les traitements répétés aux antibiotiques, qui soulagent temporairement les malades, ont créé une pression sélective propice à la prolifération de cette souche très résistante.
C'est pour répondre à des questions de ce genre que le professeur Levesque a mis sur pied un consortium international de 35 chercheurs dont l'objectif est de séquencer des souches de P. aeruginosa provenant d'une trentaine de pays. Financé par Fibrose kystique Canada, le Projet des 1000 génomes consiste à brosser un portrait panoramique du génome de l'espèce afin d'en dresser l'arbre généalogique et de cartographier ses gènes de résistance et de virulence. Au cours des deux prochaines années, les chercheurs vont séquencer 500 souches isolées chez des personnes atteintes de fibrose kystique, 300 souches isolées chez des personnes souffrant d'autres problèmes de santé, notamment des grands brûlés, et 200 souches isolées chez des animaux ou prélevées dans l'environnement.
Cette recherche fondamentale aura des retombées sur le traitement des malades aux prises avec une infection causée par P. aeruginosa. «Nos résultats seront rendus publics sur le site Pseudomonas.com, souligne le professeur Levesque. Les médecins pourront les consulter pour déterminer si la souche qui frappe leurs malades est résistante ou non à un antibiotique. Il sera alors possible de faire de l'antibiothérapie ciblée plutôt que de procéder de façon empirique.» Le potentiel de ce projet n'a pas échappé à Fibrose kystique Canada qui a décerné au chercheur le prix Robbie. Cette distinction est remise annuellement au responsable du nouveau projet jugé le plus prometteur.
L'article paru dans PLOS ONE est signé par Julie Jeukens, Brian Boyle, Irena Kukavica-Ibrulj, Myriam Ouellet, Steve Charette et Roger Levesque, de l'Institut de biologie intégrative et des systèmes de l'Université Laval, Shawn Aaron, de l'Université d'Ottawa, Joanne Fothergill et Craig Winstanley, de l'Université de Liverpool, et Nicholas Tucker, de l'Université de Strathclyde.