
Le boisé Woodfield, en bordure du cimetière patrimonial Saint-Patrick dans l'arrondissement de Sillery, est menacé par un projet immobilier. C'est l'un des nombreux dossiers qui illustrent le peu de cas qui est fait des boisés urbains à Québec, estime le professeur Bousquet.
— Jean Bousquet
D'entrée de jeu, le professeur Bousquet a rappelé l'existence d'une grande tendance mondiale qui va en s'amplifiant: de plus en plus de personnes habitent les villes. «Pour répondre à cette pression, on peut s'y prendre de deux façons, dit-il. Soit par une urbanisation sauvage qui crée de la densification grise ou par urbanisation planifiée qui fait une bonne place aux espaces verts et aux arbres et qui crée des milieux de vie agréables et durables.»
Conserver des boisés urbains et favoriser la présence des arbres n'est pas un frein au développement, bien au contraire, a-t-il fait valoir. «La qualité de vie dans une ville est fortement associée au plein air et à la verdure. Une ville verte exerce un grand pouvoir d'attraction sur les entreprises de l'économie du savoir et sur les professionnels qui y travaillent. La présence d'espaces verts constitue un moteur économique pour une ville, comme en témoigne une récente étude de la Banque TD.»
Plusieurs villes ont compris le message. Ottawa et Gatineau misent sur une ceinture verte et une trame verte. Vancouver, une ville pourtant très dense, s'enorgueillit du fait que tous ses citoyens vivent à moins de 0,5 km d'un parc. Environ 12% du territoire de la ville de Sherbrooke est couvert par des espaces verts. Une étude menée dans neuf villes américaines de plus de 1 million d'habitants arrive à une moyenne de 14% du territoire en espaces verts; New York atteint même 20%. En comparaison, Québec fait figure de parent pauvre avec un maigre 4% tout au plus. «La vitrine de Québec est très verte, mais dans le magasin, c'est la grisaille. La verdure est très inégalement répartie. Nous sommes loin de l'objectif de 12% adopté par de nombreuses villes dans la foulée du Sommet de Rio en 1992.»
Les rares boisés qui subsistent dans les quartiers centraux de Québec sont mis à mal par les promoteurs. C'est le cas du boisé Neilson à Sainte-Foy et du boisé Woodfield à Sillery qui ont fait les manchettes récemment. Le même scénario se produit dans les boisés périphériques situés dans les anciennes banlieues de Québec. «On permet aux entrepreneurs de faire des coupes à blanc et ils ne sont pas tenus de reboiser une fois la construction terminée. On perpétue un modèle préhistorique d'aménagement urbain et le pire est que nous ne semblons pas apprendre de nos erreurs. Québec a un retard d'une génération par rapport aux autres villes canadiennes et cet écart s'accentue.»