Jusqu'à maintenant, les étudiants et les chercheurs qui devaient identifier des plantes du Nord québécois s'en remettaient à des outils comme la Flore de l'Alaska ou la Flore des territoires du Nord-Ouest, des ouvrages rédigés en anglais qui reflètent imparfaitement la végétation du Québec nordique. Et la vénérable Flore de Marie-Victorin? «Elle couvre les régions situées au sud de l'Abitibi et du Lac-Saint-Jean», souligne le professeur Payette.
Contrairement à ce que peut penser le néophyte, une flore n'est pas un outil immuable: elle vieillit et peut accuser le poids des ans. «Une flore est un instantané du patrimoine végétal qui existe à un moment donné sur un territoire donné en fonction des connaissances qui existent au moment où on la rédige», rappelle le professeur Payette. Mais la situation des plantes évolue, tout comme les connaissances en génétique et en taxonomie, poursuit-il. «Les flores rédigées il y a plusieurs décennies ont une valeur historique, mais elles sont périmées. Le même sort attend notre ouvrage dans quelques décennies», reconnaît-il humblement.
Pour réaliser leur flore, Serge Payette et une quinzaine de collaborateurs ont écumé de nombreux herbiers. Celui de l’Université Laval d’abord, l’Herbier Louis-Marie – que le professeur Payette dirige depuis 2004 –, mais également l’Herbier Gray de Cambridge, ceux du gouvernement du Québec, du Musée canadien de la nature, d’Agriculture Canada, du gouvernement de Terre-Neuve et des universités McGill et de Montréal. Ils ont ainsi constitué une banque de données comprenant plus de 92 000 spécimens appartenant à près de 800 espèces et sous-espèces.
Dans la Flore nordique, la description de chaque plante est accompagnée d’une illustration des caractères diagnostiques, d’une carte de répartition géographique ainsi que de commentaires relatifs à l’habitat et aux domaines biogéographiques. La netteté de certaines photos est telle qu’on croirait que la véritable plante a été pressée entre deux pages, comme dans un herbier!
Cette flore est un ouvrage volumineux qui sera publié en quatre tomes. Celui qui sort des presses fait plus de 600 pages à lui seul. La publication du tome 2 est prévue pour 2014. Quant aux tomes 3 et 4, ils sont en préparation, assure Serge Payette. Ceux qui auront à trimbaler cette flore sur le terrain seront heureux d’apprendre qu’on peut se la procurer sous forme électronique. De plus, l’équipe de l’Herbier Louis-Marie prépare un site Web interactif qui permettra aux personnes intéressées d’interroger la banque de données électroniques qui a servi à constituer la flore. Ils pourront en tirer des informations sur les différents taxons et même générer des cartes de répartition.