
En Chine, pays d’origine du fromage de soya, on le mange de diverses façons. Au restaurant, les habitants le savourent en mápó dòufu, un plat dans lequel le tofu soyeux marine dans une piscine d’huile assaisonnée de plusieurs épices, dont du poivre du Sichuan qui engourdit la bouche. Dans les aires commerciales, ils l’aiment bien sous forme d’en-cas à grignoter en chòu dòufu, cubes de tofu fermenté, spongieux et frit, servis avec une sauce sucrée. Au coin des rues, ils le transforment en délice de nuit grillé sur un barbecue au charbon.
Cet aliment, véritable caméléon, s’intègre à merveille dans de nombreux plats. Des chefs locaux l’ont bien compris depuis quelques années. Ricardo en fait un sauté aux noix de cajou et une ratatouille colorée, tandis que Josée di Stasio l’apprête en une savoureuse mousse au chocolat.
En fait, le Québec est assez avant-gardiste en matière de produits du soya par rapport aux autres provinces canadiennes. Les Québécois sont ouverts aux solutions de rechange à la viande, comme le tofu et les végépâtés. Dans la province, trois entreprises s’affairent à répondre à cette demande croissante.
Ricardo en fait un sauté aux noix de cajou
et une ratatoullle colorée,
tandis que Josée di Stasio l’apprête
en une savoureuse mousse au chocolat
Yannick Guay est propriétaire de Soyam Végé, une entreprise artisanale située à Sherbrooke. Il est à son tofu comme un boulanger est à son pain. Sa production mensuelle? Une tonne de tofu et autant de végépâté. Quelques heures par semaine, un employé issu d’un programme de réinsertion sociale vient mettre la main à la pâte, mais la majorité du temps, Yannick Guay travaille seul. Et très fort. Il se fait un point d’honneur à ce que les ingrédients de ses produits proviennent de la région et que les légumes soient biologiques.
Une autre entreprise se trouve à Saint-Isidore-de-LaPrairie. Sa particularité? «Nous sommes la seule entreprise au Québec, et probablement aussi la seule au Canada, qui cultive elle-même le soya qu’elle transforme», souligne Réal Beaulieu, qui détient Unisoya avec son frère Bernard. Près d’une trentaine d’employés travaillent avec eux. Ce qui leur permet de traiter 1500 tonnes de soya chaque année. En plus d’approvisionner plusieurs chaînes d’épiceries québécoises, Unisoya exporte en Ontario, dans les Maritimes et un peu aux États-Unis.
Artisanal ou industriel, le tofu est produit de la même façon. On trempe d’abord les fèves de soya pendant plusieurs heures, puis on les broie. La pulpe, l’okara, est remise aux fermiers de la région qui s’en servent pour nourrir le bétail. On additionne ensuite à l’eau de soya du chlorure de magnésium, un coagulant permettant de faire cailler le tofu. Après cette étape, les morceaux de tofu doivent être pressés. C’est en partie ce pressage qui détermine la consistance du tofu.
Unisoya décline son tofu en quatre parfums: nature, aux fines herbes, aux légumes et aux algues. Parmi ses autres produits, Réal Beaulieu mentionne la pâte de soya à la grecque. C’est de la feta végétalienne à base de tofu. Il paraît que, dans une salade, ce similifromage confond tous les sceptiques!
Pour sa part, Yannick Guay a plusieurs idées pour étendre sa gamme de produits végétaliens. Son tofu au chanvre est unique au Québec! Il produit aussi du seitan, ce «poulet» à base de farine de gluten, et plusieurs types de végépâté. Dans la région de Québec, les produits de Soyam Végé se vendent au Marché de proximité de Québec, à l’épicerie santé l’Heptade à Lévis, ainsi qu’à la Coopérative les Grands Rangs dans le quartier Saint-Roch.
Soyarie, l’autre entreprise québécoise de transformation de produits de soya, se situe à Gatineau. Sa gamme de produits comprend entre autres des galettes de tofu pour burgers et des bouchées de tofu assaisonnées prêtes à être consommées. Trouver du tofu est un jeu d’enfant. Ne reste plus qu’à décider comment l’apprêter ce soir!