
En résumé, c’est le genre de difficultés rencontrées par les Québécois qui achètent des livres de cuisine provenant d’ailleurs qu’au Québec, a expliqué Étienne Lehoux-Jobin lors des 27es Journées de linguistique, qui a eu lieu récemment sur le campus. La conférence de cet étudiant à la maîtrise en traduction portait sur l’adaptation des livres de cuisine dans la francophonie. Son corpus était composé de versions originales, d’ouvrages écrits en anglais et traduits pour le marché francophone, ainsi que de livres portant la mention «adaptée pour le Québec» bien en vue sur leur page couverture.
À son avis, le cas de Michel Montignac, créateur du régime du même nom, est un bon exemple de l’adaptation brouillonne. Que ce soit dans La Méthode Montignac expliquée et illustrée ou dans Recettes et menus, tous deux parus chez Flammarion Québec, les exemples de tournures peu usitées au Québec sont légion.
«En phase 1, vous pouvez boire quotidiennement deux verres de 10 cl par repas», peut-on ainsi lire dans l’un des ouvrages. Par ailleurs, des recettes recommandent d’utiliser telle quantité de «cuillerée à thé», tandis que d’autres suggèrent tout bonnement la «cuillerée à café», unité de mesure un peu floue au Québec. On met aussi le lecteur en garde contre la glucide connection, une catégorie alimentaire à éviter. Si la mention «adapté pour le Québec» représente un bon argument de vente, elle ne remplit pas toujours ses promesses, souligne ainsi Étienne Lehoux-Jobin.
D’autres livres sont bien adaptés sans en faire tout un plat, bref, sans mentionner la chose sur leur page couverture. C’est le cas de The Meat Free Monday Cookbook publié chez Kyle Books. Traduit de l’anglais en France, il a été ensuite adapté au Québec par la maison d’édition Modus Vivendi, à Montréal, sous le titre Une journée sans viande. «La réviseure ne s’est pas contentée de trouver des équivalences d’appellation et de disponibilité pour les ingrédients et d’adapter les unités de mesure au Québec, explique Étienne Lehoux-Jobin. Elle a aussi adapté le texte de présentation du livre à la réalité québécoise en citant des statistiques sur la consommation de viande rouge et de légumineuses des habitants, par exemple.»
Cela dit, le jeu de l’adaptation en vaut-il la chandelle? Du point de vue du consommateur québécois, l’adaptation des livres de cuisine européens est certainement souhaitable, croit Étienne Lehoux-Jobin. Mais il estime que l’aventure serait risquée dans l’autre sens, par exemple, si on décidait d’adapter les livres de Josée di Stasio et de Ricardo. «Les coûts liés à l’adaptation seraient probablement supérieurs aux éventuels bénéfices, dit l’étudiant. Là-bas, ces vedettes de la télévision sont pratiquement inconnues. Et puis, en France, on ne manque pas de grands chefs…»