
Avec ses plumes, ses raquettes et sa ceinture fléchée, Max Gros-Louis cultive une image en accord avec sa pensée.
Alain Bouchard enseigne aujourd’hui l’écriture de presse au Département d’information et de communication de l’Université. Pour rédiger la biographie Max Gros-Louis. Le corbeau de Wendake, publiée récemment aux éditions La Presse, il a obtenu une trentaine de rencontres avec Oné-Onti – le surnom amérindien du chef – et bien des entrevues avec diverses personnalités.
«Max a mené une bataille avec tous les moyens. Il a ouvert le chemin», rapporte-t-il avec respect.
Le personnage possède un côté bagarreur qui se dévoile d’ailleurs au tout début du livre. Magella Gros-Louis, de son véritable nom, a 17 ans lorsqu’il se fait traiter de «maudit sauvage» par un frère du collège Saint-Joseph. Il réplique en frappant l’homme au visage. Jamais il n’acceptera ce mot… ni ne retournera à l’école.
En 1964, il est élu grand chef de Wendake. La réserve compte alors 1500 habitants qui forment, au dire d’anciens, un peuple d’assistés sociaux cultivant un complexe d’infériorité. Sous le règne d’Oné-Onti, Wendake vivra sa révolution tranquille. Son équipe agrandit le territoire et le dote d’un réseau d’aqueduc et d’égout. Puis elle relance l’industrie manufacturière et touristique, tout comme la production artisanale. «Wendake est un modèle de réussite aujourd’hui. Il y a un boom industriel terrible», affirme Alain Bouchard.
Politique redoutable et rassembleur, Max Gros-Louis va aussi mettre la condition autochtone à l’ordre du jour. Avec deux autres chefs amérindiens, Andrew Delisle et Aurélien Gill, il forme un «trio de tapage» et fonde, en 1965, l’Association des Indiens du Québec dont il sera pendant plusieurs années le porte-voix.
Dans un trop court chapitre consacré à l’homme politique, Alain Bouchard raconte comment celui-ci se rendait sur les réserves les plus éloignées afin de convaincre les habitants d’adhérer à l’association. Un tour de force quand on sait que la province comptait 42 communautés qui ne parlaient souvent ni anglais ni français. En 1971, il est au côté des Cris afin de tenir tête à Bourassa lors des travaux hydroélectriques de la baie James. Il intervient aussi en 1991 lors de la crise d’Oka pour appuyer les Mohawks. «Max est encore une référence en ce qui a trait aux revendications autochtones», rapporte Alain Bouchard.
Oné-Onti a aussi participé à la renaissance de la culture autochtone. Au milieu des années 1960, il ressuscite les pow-wow de Wendake et organise même des Jeux amérindiens. Et combien savent qu’il a eu sa propre troupe de danse pendant 25 ans?
Avec ses plumes, ses raquettes et sa ceinture fléchée, le Huron-Wendat a un côté tape-à-l’œil que plusieurs lui reprochent. «Max Gros-Louis cultive son image, mais il y a toujours eu de la substance derrière ça, assure son biographe. Quand il jouait du tam-tam lors des matchs des Nordiques au Colisée, c’était une démarche politique. Max voulait donner de la résonance aux tournois pee-wee amérindiens qui se déroulaient à l’époque. On oublie qu’il y avait aussi des joueurs amérindiens dans les Nordiques, comme Chris Simon, d’origine ojibwée. Ce n’était pas seulement du folklore.»
Alain Bouchard a voulu écrire un livre sans complaisance. C’est pourquoi il s’attarde à quelques zones d’ombre dans la vie de l’homme. Par exemple, la relation difficile que Max Gros-Louis entretient avec un de ses fils, Mario, qu’il ne voit plus. On apprend également que le politicien n’a pas appuyé le nouveau mode électoral adopté en l’an 2000 à Wendake, qui répartit le pouvoir auparavant dévolu au grand chef. Qu’il est un ennemi juré du clan Sioui, et donc du grand chef sortant, Konrad Sioui, qui affrontera son fils Kino Gros-Louis à l’élection du 26 octobre prochain.
N’empêche, Max Gros-Louis reste une icône, un personnage plus grand que nature, qui jouit d’un «capital de sympathie exceptionnel», selon son biographe. Aussi petite la nation huronne-wendat soit-elle, son ancien chef d’État conserve des relations nombreuses et haut placées. Charles de Gaulle et Jacques Chirac sont allés lui rendre visite à Wendake. Il est un proche de Jean Chrétien, avec qui il a toujours eu des relations cordiales.
Le grand manitou a maintenant 81 printemps. Il était temps que quelqu’un trace son portrait, juge Alain Bouchard. Bien que l'auteur soit satisfait de l’accueil réservé au livre, il ajoute, en toute humilité : «Le véritable héritage de Max Gros-Louis, ce sont les historiens qui le raconteront».