
«Les distorsions inhérentes à l’actuel mode de scrutin pluralitaire uninominal font que le Parti québécois et le Parti libéral ont obtenu respectivement 43% et 40% des sièges, même s’ils ont recueilli chacun moins du tiers des votes, souligne François Gélineau, professeur au Département de science politique et titulaire de la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires. De plus, la Coalition, malgré 27% des votes, n’a eu que 15% des sièges.»
Selon lui, le mode de scrutin proportionnel aurait produit des résultats assez différents. «Le PQ, poursuit-il, aurait reçu 25% des votes, le PLQ, 26% et la CAQ, 27%. En termes de sièges, la Coalition serait passée du troisième au premier rang avec 35 sièges, contre 33 et 32 pour les libéraux et les péquistes.»
Le 11 septembre, le professeur Gélineau et son collègue Marc-André Bodet ont fait paraître les résultats préliminaires d’une simulation de l’élection du 4 septembre. L’exercice en ligne tenait compte de trois modes de scrutin: pluralitaire uninominal, proportionnel et alternatif. Cette expérience, hébergée sur le site Vote au pluriel – Québec, a attiré près de 10 000 citoyens. Elle s’est déroulée du 20 août au 4 septembre. Les deux chercheurs ont élaboré la simulation en partenariat avec le projet de recherche international Making Electoral Democracy Work. Pour s’assurer que leurs résultats soient comparables, ils les ont pondérés en se basant sur les résultats officiels de la dernière élection.
Avec le mode de scrutin proportionnel, l’électeur vote pour un parti à l’échelle provinciale et les partis reçoivent le nombre de sièges correspondant à la proportion des votes reçus. Dans le mode de scrutin alternatif, l’électeur vote, dans sa circonscription, pour le nombre de candidats de son choix et les ordonne selon ses préférences. Si une majorité d’électeurs choisit le même candidat comme premier choix, celui-ci gagne.
Le 4 septembre, Québec solidaire et Option nationale ont recueilli respectivement 6 % et 2 % des votes. Le premier parti a obtenu deux sièges contre aucun pour le second. Avec le mode de scrutin proportionnel, leurs gains auraient été respectivement de 14 et 8 sièges.
«Nos résultats montrent que 41% des répondants préfèrent la représentation proportionnelle, contre 22% qui privilégient le vote alternatif et 12% le mode pluralitaire uninominal, explique François Gélineau. Cela dit, la proportionnelle représente un défi pour le parti au pouvoir. Il est plus difficile de former un gouvernement majoritaire avec la proportionnelle, ce qui entraîne une gouvernance plus consensuelle.»
Le mode de scrutin actuel, quant à lui, est avantagé par sa simplicité. «Une simplicité accompagnée d’une efficacité à gouverner, précise le professeur. Le système va générer une convergence vers deux partis qui vont habituellement former un gouvernement majoritaire.»
Un des faits saillants de la simulation est la stabilité du vote caquiste pour les trois modes de scrutin, «avec 27% des voix pour chacun des modes», souligne François Gélineau. La Coalition récolte en outre le plus de deuxièmes choix avec le mode de scrutin alternatif.