
Françoise Duguay tient une pipe fabriquée aux Pays-Bas dans les années 1650. «Elle est très petite comparée aux pipes actuelles, car le coût du tabac était élevé au 17e siècle», signale l'étudiante-chercheuse. À l'origine, le tuyau était deux fois plus long.
Il n'est pas toujours simple d'établir la provenance d'une pipe à partir des fragments découverts dans un site archéologique. Les éléments de décoration, les marques de fabrique ou encore les armoiries de la ville où l’objet a été fabriqué sont des indices précieux, mais encore faut-il qu'ils soient authentiques, à défaut de quoi les échanges commerciaux entre deux pays risquent d'être mal appréciés, souligne l'étudiante-chercheuse.
Pour éviter ce genre d'erreur, Françoise Duguay a exploré un nouveau filon: la composition chimique de la pipe. Pour ce faire, elle a fait appel à l'activation neutronique, une méthode non destructive qui consiste à irradier un échantillon à l'aide d'un flux de neutrons puis à analyser les particules émises. En théorie, le type d'argile utilisé par le pipier et sa recette de pâte à pipe devraient produire une signature chimique unique et distinctive.
Pour démontrer la faisabilité de cette approche, l'étudiante-chercheuse a d'abord établi la signature de pipes européennes d'origine connue – hollandaise ou britannique – fabriquées entre 1620 et 1760. Elle a ensuite répété l'expérience avec cinq artefacts d'origine incertaine provenant de sites archéologiques de Trois-Rivières.
Le résultat de ses analyses, publié dans un récent numéro du Newsletter of the Society for Clay Pipe Research, indique que trois des cinq artefacts ne proviendraient ni des Pays-Bas ni de Grande-Bretagne, mais probablement de France. Certaines caractéristiques de ces pipes rappelaient pourtant le style des pipes hollandaises, l'une d'elles arborant même les armoiries de la ville de Gouda.
«Les imitateurs de sacs Gucci et de montres Rolex n'ont rien inventé, commente Françoise Duguay. À l'époque, aucune loi n'interdisait la contrefaçon de pipes et certains artisans français ont peut-être tenté de tirer parti de la renommée des marques hollandaises.» L'étudiante-chercheuse reconnaît qu'il faudrait répéter l'expérience avec beaucoup de fragments de pipes d'origine connue pour prouver cette hypothèse, ce qui pourrait exiger de nombreuses années de travail. Mais son étude aura déjà démontré que la combinaison d'approches descriptives et physicochimiques est une voie d'avenir pour affiner les analyses archéologiques.