
«Les entraîneurs, les administrateurs et les athlètes qui s’occupent des jeunes craignent que le seul fait de parler de prévention signifie qu’il y a de l’abus sexuel dans leur milieu. Ils ont peur aussi que cela ait des répercussions négatives sur leur organisation et sur leur sport, affirme Sylvie Parent. Ils craignent également qu’une conscience plus grande du phénomène chez les parents incite ces derniers à porter de fausses allégations envers des personnes. En fait, tous mes répondants sont d’accord pour qu’on protège les enfants, mais ils s’interrogent en même temps sur l’efficacité des mesures qui pourraient être prises et pensent que ce serait mettre beaucoup d’efforts pour obtenir très peu de résultats en fin de compte.»
Perdre sa place
Les participants considèrent également qu’ils manquent de compétence, de temps, de ressources matérielles, financières et humaines pour pouvoir déployer des efforts en ce sens. Certains d’entre eux déplorent que les différents acteurs du milieu sportif attendent que l’acte ait été rapporté avant de réagir, en l’occurrence qu’un jeune ait été abusé sexuellement. Sans compter que le jeune lui-même peut hésiter à parler ou à porter plainte parce qu’il craint de perdre sa place au sein de son équipe ou encore parce qu’il craint d’être rejeté par son entraîneur qui possède souvent beaucoup d’emprise sur lui.
«Il se passe des choses dans le milieu du sport qu’on ne tolèrerait jamais dans d’autres organisations de travail», constate Sylvie Parent. Présentement, il n’existe aucune loi au Québec obligeant les organisations sportives à adopter des mesures sélectives lors des entrevues d’embauche. Il ne faut pas oublier que le Québec compte actuellement 63 fédérations sportives qui supervisent plusieurs centaines de clubs locaux et régionaux comptant plus de 500 000 jeunes.» Le manque de formation est aussi à pointer du doigt dans cette affaire. Aucun des participants à l’enquête – parents, entraîneurs, athlètes, administrateurs – n’avait en effet reçu la moindre formation sur l’abus sexuel, que ce soit sous forme de conférences ou encore de documents écrits. De leur côté, les acteurs du milieu sportif ont aussi besoin de règles écrites et d’instructions claires concernant l’utilisation des douches ou le partage de la chambre d’hôtel en voyage, pour ne citer que ces exemples. Une chose est certaine, croit Sylvie Parent, on ne doit plus banaliser les effets et l’efficacité de la prévention de l’abus sexuel chez les jeunes sportifs.