
L'Exposition universelle de 1900. Derrière la tour Eiffel, le Pavillon de l'électricité.
Un filon négligé
«Les travaux sur l’histoire des expositions universelles portent surtout sur les discours officiels des politiciens, des organisateurs, des concepteurs ou des architectes, mais les recherches sur les pratiques alimentaires et sur la consommation sur le site de l’exposition sont quasi inexistantes, a expliqué Van Troi Tran. Il s’agit pourtant d’un aspect déterminant du succès de l’événement.» C’est cet aspect du «manger et du boire» lors des expositions universelles parisiennes de 1889 et de 1900 qu’a d’ailleurs exploré Van Troi Tran dans sa thèse de doctorat effectuée sous la direction de Laurier Turgeon. Qu’on parle d’empoisonnements, de manque d’hygiène, de falsifications alimentaires, d’abus de la clientèle, la liste des dangers liés à la nourriture consommée sur le site d’une exposition est longue. Tout cela implique la mise en place d’une série de mesures et d’actions quotidiennes visant à contrôler le marché de la restauration, en plus d’assurer un environnement agréable de consommation, à l’intérieur ou à l’extérieur des pavillons. Ce branle-bas de combat mettant en scène un flot d’êtres humains en contact avec une grande variété de produits alimentaires est ce qui fait qu’une exposition est vivante et différente d’un jour à l’autre, selon Van Troi Tran.
À Shanghai, on comptait environ 200 restaurants sur le site, rapporte Van Troi Tran qui a arpenté le terrain de l’exposition des jours entiers pour s’imprégner de son atmosphère vivante et cosmopolite. «Il y avait du pire comme du meilleur, du fast-food chinois à la gastronomie, affirme l’ethnologue. Les règlements concernant la vente et la consommation de nourriture m’ont paru très stricts et très encadrés.» Il faut dire qu’à Paris comme à Shanghai, l’État n’a pas lésiné sur les moyens à prendre afin de projeter une image propre du pays. Car les expositions universelles sont d’immenses vitrines dans lesquelles le monde entier plonge son regard. Au-delà des thèmes retenus, «Le bilan d’un siècle» pour Paris en 1900 et «Meilleure ville, meilleure vie» pour Shanghai en 2010, il y a la multitude des gens qui viennent s’y abreuver et s’y nourrir, au sens propre comme au figuré. En définitive, ce sont ces gens qui font l’exposition, conclut Van Troi Tran.