
La condition physique du troupeau de la rivière George s'améliore contrairement à ce que les chercheurs observent chez son voisin, le troupeau de la rivière aux Feuilles.
— Joëlle Taillon
Les résultats de l'inventaire de 2010, divulgués la semaine dernière par le ministère des Ressources naturelles et de la Faune, montrent que les effectifs du troupeau de la rivière George se situent maintenant à 74 000 têtes. Ce troupeau a connu des hauts et des bas depuis 60 ans: il comptait moins de 10 000 têtes dans les années 1950, mais il a rebondi pour atteindre 776 000 individus en 1993. Les indices de dégradation de l'habitat et de la condition physique des animaux laissaient toutefois présager une chute de la population. L'inventaire de 2001 a confirmé ces appréhensions: la population était descendue à 381 000 et la baisse s'est poursuivie depuis.
L'hypothèse la plus plausible pour expliquer cet effondrement est l'épuisement des lichens, la principale source de nourriture de ce cervidé. Mais il y a d'autres possibilités, souligne le professeur Côté, notamment la prédation par le loup et l'ours noir. «La chasse pourrait aussi être en cause, ajoute-t-il. Nous savons combien de caribous sont prélevés par la chasse sportive, mais ce n'est qu'une partie de l'histoire. Le prélèvement attribué à la chasse autochtone est estimé à 10 000 têtes par année, mais c'est un chiffre qui ne repose sur aucune donnée fiable. Le Labrador autorise aussi une chasse commerciale pour approvisionner une entreprise qui met en marché de la viande de caribou.»
Selon le chercheur, les changements climatiques pourraient aussi être en cause dans ce déclin. En effet, le troupeau de la rivière George n'est pas un cas unique. Son voisin, le troupeau de la rivière aux Feuilles, périclite lui aussi, tout comme les grands troupeaux des autres provinces canadiennes et d'autres pays nordiques. «L'envergure du déclin suggère l'existence d'un phénomène plus vaste qui affecterait tous ces troupeaux», avance-t-il. Le professeur Côté dirige d'ailleurs le projet Caribou Ungava dont l'un des objectifs est d'étudier l'effet des changements climatiques sur les caribous qui sillonnent le Nord du Québec et le Labrador.
Même si les fluctuations de population sont le lot du caribou, certains croient qu'il faut intervenir pour aider un troupeau en déclin comme celui de la rivière George. «Si on m'avait posé la question il y a six mois, j'aurais répondu qu'on devrait laisser aller les choses. Mais les données que j’ai vues depuis sur les prélèvements m'ont fait changer d'idée. Je pense que la chasse a des répercussions plus grandes que ce qu'on croyait.» Québec vient d'ailleurs d'adopter des mesures pour restreindre la chasse sportive de ce troupeau. Terre-Neuve a fait de même en plus de suspendre la chasse commerciale.