
Un seul des deux variants de l'herpèsvirus humain 6 a développé un mécanisme pour enrayer le système de défense des cellules humaines qui s'articule autour de l'interféron de type 1.
— Bernard Kramarsky
Découvert en 1986, le HHV-6 se subdivise en deux catégories. Le variant B, présent chez pratiquement tous les adultes, cause la roséole. De plus, chez les personnes qui prennent des immunosuppresseurs, il ouvrirait la porte aux encéphalites, aux pneumonies et aux rejets d'organes greffés. Le cas du variant A est moins net. Présent chez environ 30 % des personnes, il n'est associé à aucune maladie en particulier, mais certaines études portent à croire qu'il pourrait être en lien avec divers troubles neurologiques.
Il n'existe pas de médicaments luttant spécifiquement contre les infections causées par le HHV-6. Les interférons, ces protéines produites naturellement par les cellules du corps humain pour se protéger contre les micro-organismes et les cellules cancéreuses, comptent parmi les options thérapeutiques envisagées. Toutefois, les essais cliniques menés jusqu'à présent ont conduit à des résultats peu concluants, entre autres chez les patients atteints de sclérose en plaques, une maladie neurodégénérative à laquelle le HHV-6 pourrait être associé.
Les expériences menées par l'équipe du professeur Flamand ont mis le doigt sur ce qui pourrait bien expliquer les résultats divergents obtenus lors des essais cliniques. Des tests menés in vitro révèlent que l'interféron de type 1 est efficace contre le variant A, mais pas contre le B. La cause? L'une des premières protéines produites par le virus après son entrée dans une cellule humaine est la protéine Précoce Immédiate 1. «Elle est synthétisée dans les deux heures qui suivent le début de l'infection», précise Louis Flamand. Chez le variant B, cette protéine empêche l'interféron d'enclencher l'expression de gènes associés aux mécanismes de défense de la cellule; la protéine produite par le variant A n'y parvient pas.
Les chercheurs ont découvert que, chez le variant B, cette protéine contient une section de 41 acides aminés qui est absente chez l'autre forme du virus. Lorsque cette région de la protéine est transférée au variant A, ce dernier devient à son tour capable d'annihiler le mécanisme de défense de la cellule mis en branle par l'interféron. «Le variant B semble avoir trouvé une façon d'empêcher la cellule hôte de se défendre contre l'infection, ce qui expliquerait peut-être son omniprésence dans la population, avance le professeur Flamand. Ceci constitue un autre exemple de la diversité des moyens déployés par les virus pour déjouer les mécanismes de défense du corps humain.»