
Denise Tremblay et Sylvain Moineau, du Département de biochimie et de microbiologie: «Nous comprenons mieux la structure et le fonctionnement de la clé utilisée par les phages».
— Marc Robitaille
Avant d'infecter une cellule, un virus doit être en mesure de reconnaître son hôte et de se fixer solidement à sa membrane cellulaire. Cette opération de reconnaissance et de liaison repose sur les protéines RBP (Receptor Binding Protein) qui se trouvent dans la plaque basale, à l'extrémité de la queue du virus. Il y a quatre ans, Sylvain Moineau et ses collègues étaient parvenus à établir la structure des protéines RBP chez le bactériophage p2, un virus qui attaque les bactéries servant à la fabrication de fromages. Les chercheurs avaient alors découvert que ces protéines comprenaient trois sections de nature modulaire, interchangeables selon les espèces, comme des blocs Lego.
Cette fois, en faisant appel à la cristallographie à rayons X et à la microscopie électronique, les chercheurs ont récolté des données sur la structure du complexe de protéines qui forme la plaque basale et sur le mécanisme qui conduit à l'infection. «Nous avons constaté que la conformation des protéines n'était pas la même chez les phages libres et chez les phages fixés à la bactérie. Au moment où le phage s'attache à la membrane de leur hôte, ces protéines subissent une réorganisation spatiale qui renforce leur ancrage tout en libérant un canal qui permet le passage de l'ADN vers la cellule hôte.»
Cette découverte fondamentale constitue une nouvelle page dans la compréhension des mécanismes qui interviennent lors d'une infection par des bactériophages. «Nous comprenons mieux la structure et le fonctionnement de la “clé” utilisée par les phages, souligne le professeur Moineau. Ce qui nous intéresse encore plus, c'est la “serrure” qui se trouve dans la membrane des bactéries parce nous croyons pouvoir la modifier pour prévenir l'infection par les phages.» Les phages occasionnent des problèmes considérables à l'industrie fromagère: entre 0,1 et 10 % des fermentations sont contaminées par ces virus.
Le 29 mars a été une journée faste pour Sylvain Moineau et les bactériophages. Au même moment où PNAS publiait son article sur le mécanisme d'activation de la plaque basale des phages p2, les éditeurs de Nature Reviews Microbiology diffusaient sur leur site Web l'article synthèse qu'ils avaient commandé au professeur Moineau il y a quelques mois. Dans cet article, le chercheur et ses collaborateurs Simon Labrie et Julie Samson passent en revue les connaissances actuelles sur les mécanismes développés par les bactéries pour résister aux assauts des bactériophages ainsi que les stratégies de contre-attaque déployées par ceux-ci.