Paru dans le dernier quart de l’année 2009, La Baie-James des uns et des autres. Eeyou Istchee est cosigné par François Huot, qui est aussi l’éditeur et le distributeur du livre (Productions FH), et Jean Désy, chargé de cours à la Faculté de médecine, qui y a apporté son amour des mots, de la poésie et des grands espaces nordiques. L’iconographie, qui couvre plusieurs siècles, est majoritairement composée des photos de Mathieu Dupuis et met en valeur les paysages actuels de la Baie-James. Les recherches nécessaires à l’élaboration de ce grand livre d’histoire sur un coin du monde méconnu jusqu’ici ont été faites par François Huot, géologue de métier, habitué des campements miniers de la Baie-James et instigateur du projet. Et en bon géologue-recherchiste, il fait commencer l’histoire de la Baie-James bien avant sa formation, 3 500 ans avant notre ère, alors que les baies de James et d’Hudson émergeaient de sous les eaux avec le soulèvement du continent et le retrait de la mer de Tyrell.
La Baie-James des uns et des autres. Eeyou Istchee est composé de six chapitres, chacun offrant une perspective inédite sur un territoire vieux comme le monde et toujours riche de promesses. Il apparaît d’abord comme une terre d’eaux, de plaines, de monts et de forêts; ou encore comme le refuge du caribou des bois, de l’orignal, de l’ours noir, du renard roux et de la bernache du Canada. Il montre d’emblée ses traits naturels et ses divisions primaires: les hautes-terres de Mistassini, les basses-terres de l’Abitibi et de la baie James, le plateau central du Nord-du-Québec et les basses collines de la Grande Rivière; quatre provinces naturelles baignées par une lumière nordique que rien ne semble vouloir arrêter, si ce n’est la cime de l’épinette noire, la «reine du Nord».
On découvre ensuite l’Eeyou Istchee, ou «le pays des Cris». C’est le pays des chasseurs nomades et des migrateurs, des campements temporaires et du canotage, du chamanisme et de la tente tremblante, mais aussi de la formidable herboristerie autochtone qui sauva du scorbut l’équipage de Jacques Cartier. Dans son prologue à La Baie-James, Louis-Edmond Hamelin désigne les Cris, qui peuplent la péninsule Québec-Labrador depuis des millénaires, comme le «peuple de l’antérieur». De fait, ce sont eux qui, bien avant la découverte de la baie James par les Européens en 1610, ont humanisé le territoire et «bâti la première américanité» au Québec. Ce sont aussi les Cris qui ont vu les Européens chercher en vain le passage du Nord-Ouest vers l’Asie et découvrir la valeur économique de la peau de castor.
Avec l’installation permanente des Européens sur le territoire, au début du 17e siècle, l’Eeyou Itschee se transforme peu à peu en Terre de Rupert et en gigantesque poste de traite. Commence alors l’ère des fourrures et de la Compagnie de la Baie-d’Hudson, à qui la Couronne britannique cédera l’autorité absolue sur les bassins hydrographiques des baies James et d’Hudson. C’est l’époque du commerce des fourrures, des menaces iroquoises en territoire cri, des perles de verre et des missions jésuites. Mais si la traite des fourrures reste l’activité économique dominante jusqu’à la fin du 19e siècle, elle cède peu à peu le pas à l’exploitation minière, forestière et hydroélectrique de la Baie-James, qui devient alors la terre rêvée des explorateurs, des géologues et des prospecteurs plus grands que nature, mais moins forts que les nécessités de l’histoire, qui prendra encore de nouvelles dimensions avec la naissance des grands projets, après la Seconde Guerre mondiale, et surtout avec l’aménagement du complexe hydroélectrique de la Grande et la signature de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois, dans les années 70 et 80.