
Les travaux de Michel Lebel, du Centre de recherche en cancérologie de l'Université Laval, pourraient conduire à une meilleure compréhension des mécanismes du vieillissement.
Le syndrome de Werner est une maladie génétique rare qui provoque un vieillissement dont les premiers symptômes se manifestent vers l'âge de 10 ans. Dès la vingtaine, les cheveux blanchissent et se raréfient, la peau s'amincit et se parchemine, et, au fil des ans, les cataractes, le diabète, l'ostéoporose, les maladies cardiaques et les cancers frappent. L'espérance de vie des malades est d'environ 50 ans. Au Japon, la prévalence de cette maladie atteint 1 cas sur 20 000; dans les autres pays, elle se situe plutôt à 1 cas sur 2 millions.
Pour mieux comprendre cette maladie, le professeur Lebel a mis au point un modèle animal qui en exprime la plupart des symptômes, notamment de graves problèmes de foie et une espérance de vie réduite. Tout comme chez l'homme, ces souris ont une mutation dans le gène Werner qui contrôle la synthèse d'une protéine intervenant dans la réplication, la transcription et la réparation optimales de l'ADN. À l'âge de 9 mois, ces souris ont, dans les tissus de leur foie, deux fois plus de composés qui causent le vieillissement (les dérivés réactifs de l'oxygène), 40 % plus de dommages à l'ADN et environ 50 % moins d'ATP (le carburant des cellules) que les souris normales.
Par contre, le tableau change du tout au tout lorsque les chercheurs ajoutent une dose élevée de vitamine C à l'eau de ces souris. Elles ont alors davantage d'ATP et deux fois moins de composés oxydatifs et de dommages à l'ADN que les souris normales. Leur taux de gras et d'insuline ainsi que leur glycémie à jeun affichent des valeurs proches de celles des souris saines et leur longévité est restaurée. Les chercheurs ont noté que la supplémentation en vitamine C n'apporte aucun bénéfice notable aux animaux sains. C'est la première étude qui conclut qu'un traitement à la vitamine C parvient à renverser les effets du syndrome de Werner chez des animaux de laboratoire. «Il reste à démontrer que ces résultats peuvent être reproduits chez l'humain à des doses plus faibles de vitamine C», souligne le professeur Lebel.
Cette découverte pourrait avoir des retombées chez d'autres malades, beaucoup plus nombreux ceux-là. En effet, certaines variations dans la séquence des nucléotides du gène Werner conduisent à une prédisposition aux maladies cardiovasculaires, au diabète, à l'ostéoporose et à une longévité réduite chez des gens qui ne sont pas atteints du syndrome de Werner. «Une supplémentation de vitamine C pourrait être profitable à ces personnes alors qu'elle serait sans effet chez celles dont le gène Werner est normal. Ceci pourrait expliquer pourquoi les études épidémiologiques sur les effets de la vitamine C arrivent si souvent à des résultats contradictoires», avance le chercheur.