
Danielle Blondeau, professeure à la Faculté des sciences infirmières: «La dignité se trouve aussi dans le regard de l'autre, dans le fait d'accompagner quelqu'un à la fin de sa vie avec humanité, même s'il est difforme ou a perdu son autonomie».
— Marc Robitaille
Ces questions agitent le monde médical depuis plusieurs années, et, à la mi-novembre, le Conseil d’administration du Collège des médecins va se prononcer sur l’euthanasie. Un groupe de travail en éthique clinique mandaté par l’organisme aurait déjà recommandé que l’euthanasie fasse partie des soins appropriés en fin de vie, à condition qu’elle soit bien balisée. À Ottawa, le projet de loi privé C384 de la députée bloquiste Francine Lalonde va dans le même sens. Les parlementaires fédéraux discuteront cet automne de la pertinence de modifier le Code criminel afin d’y inclure «le droit de mourir dignement». Les médecins qui aideraient leurs patients en phase terminale ne pourraient donc plus être accusés de meurtre, pourvu qu’une procédure bien précise soit respectée. De leur côté, les fédérations de médecins vont consulter leurs membres par sondage pour connaître leur position sur cette question.
Prudence, prudence
Selon Danielle Blondeau, il faut faire preuve de prudence lorsqu’on aborde la question de l’euthanasie, vue trop souvent comme un moyen de ne pas terminer son existence dans un état de douleur intolérable. Elle fait valoir que les soins palliatifs évitent justement d’en arriver là. Grâce au recours à la morphine, et surtout à la prise en charge du malade dans sa globalité - sans le réduire à un organe - le patient peut mourir dignement. «Vous savez, la dignité se trouve aussi dans le regard de l’autre, dans le fait d’accompagner quelqu’un à la fin de sa vie avec humanité, même s’il est difforme ou a perdu son autonomie», souligne Danielle Blondeau. Elle espère donc que le débat actuel va permettre de parler davantage des soins palliatifs et d’investir dans ce secteur puisque seulement 10 % des Québécois y auraient accès, faute de ressources suffisantes.
Mais le débat public aura-t-il lieu? La professeure à la Faculté des sciences infirmières en doute: «On entend beaucoup les tenants de l’euthanasie qui tiennent un discours presque idéologique. Ce n’est pas facile de s’exprimer dans ce contexte très émotif, car les autres points de vue ne sont pas très sexy». Autre problème selon elle: la confusion autour de la définition même de l’euthanasie, une confusion qui touche aussi les professionnels de la santé. Beaucoup ignorent que le malade peut refuser un traitement ou s’abstenir de suivre de la chimiothérapie, ce qui va peut-être précipiter sa fin. Cette méconnaissance de leurs droits de patient expliquerait en partie, selon elle, que trois Québécois sur quatre se prononcent en faveur de l’euthanasie, comme l’a montré un sondage en août dernier. Certains craignent de faire l’objet d’un acharnement thérapeutique, et cette crainte les mènerait à envisager d’abréger leur vie. Il devient donc primordial, aux yeux de cette spécialiste en éthique, d’informer le public et de déboulonner certains mythes pour que le public et les élus débattent de l’euthanasie en toute connaissance de cause.