
Placées dans un milieu de culture approprié, les cellules précurseurs provenant de la peau (A) produisent d'abord de la nestine (en rouge) puis, à partir du jour 4 (B), de la ßIII-tubuline (en vert). L'abondance de cet élément des microfilaments augmente aux jours 10 (C) et 14 (D), à mesure que les cellules allongent et se transforment en neurones matures.
Des travaux antérieurs menés en 2001 à l’Université McGill avaient montré que la peau des souris contient des cellules multipotentes qui peuvent se différencier en plusieurs types de cellules, notamment en cellules nerveuses. L’équipe du LOEX a repris ces expériences en utilisant de la peau humaine adulte obtenue après des interventions de chirurgie esthétique. Les chercheurs ont soumis ce tissu cutané à différents traitements pour en libérer les cellules précurseurs et ils les ont ensuite cultivées in vitro. Fait à noter, la peau ne contient pas de neurones entiers, mais uniquement les prolongements (axones) de neurones qui, eux, sont abrités dans la moelle épinière. Le défi consistait donc à produire des neurones à partir de cellules indifférenciées et non à multiplier des neurones déjà présents dans la peau.
Les tests menés au LOEX ont démontré que les cellules souches multipotentes de la peau peuvent se multiplier et se différencier in vitro lorsqu’elles sont placées dans un milieu approprié. Extérieurement, elles prennent progressivement la forme allongée typique des neurones. Au plan biochimique, les chercheurs ont découvert que, dans les jours qui suivent leur mise en culture, elles produisent successivement de la nestine, un marqueur présent dans les cellules précurseurs de neurones, de la ßIII-tubuline, un élément du cytosquelette des neurones, et des molécules associées aux structures intervenant dans le passage de l’influx nerveux entre les neurones. «Ceci suggère un début de formation de synapse entre les neurones», précise François Berthod.
À court terme, cette percée pourrait avoir des retombées dans le domaine de la recherche en neurosciences. «La production de neurones à partir de cellules de la peau pourrait résoudre le problème de disponibilité de neurones humains pour la recherche. Présentement, comme les neurones ne se multiplient pas, les chercheurs font leurs travaux sur des neurones provenant d’animaux de laboratoire», explique le professeur Berthod.
À plus long terme, la possibilité de produire des neurones à partir de cellules de la peau laisse entrevoir des applications thérapeutiques révolutionnaires. «L’idée serait de prélever des cellules de la peau d’un malade et de les utiliser pour produire des neurones parfaitement compatibles, éliminant ainsi les risques de rejet, précise le chercheur. On pourrait ensuite procéder à une greffe dans les régions malades du cerveau. Ce genre d’interventions est surtout envisageable pour des maladies neurodégénératives comme la maladie de Parkinson, mais c’est encore théorique pour l’instant. Avant d’en arriver là, il faudra réussir à pousser plus loin la différenciation des neurones et démontrer qu’ils sont capables de transmettre l’influx nerveux», résume-t-il.