Seconde par seconde
Aux fins de sa recherche, Marie-Claude Tremblay a invité 301 étudiants de 1er cycle en communication publique à répondre à un questionnaire portant sur leurs habitudes de consommation médiatique (fréquence de lecture des journaux et d’attention portée aux publicités télévisées, etc.), leur niveau d’intérêt politique (participation aux dernières élections, à des manifestations, etc.), leur degré de cynisme envers la politique (d’accord ou non avec des énoncés comme «on ne sait vraiment jamais ce que les politiciens pensent» ou encore «les gens comme nous n’ont pas de pouvoir sur ce que fait le gouvernement») et leur intention de vote. Ensuite, elle leur a projeté 9 publicités télévisées de 30 secondes vantant les 4 principaux partis politiques du Canada lors de la campagne électorale fédérale de janvier 2006 qui avait d’ailleurs réellement cours au moment de l’expérience.
Les participants avaient en main le Perception Analyzer (PA), un instrument de mesure couramment utilisé en politique et en marketing permettant d’enregistrer les réactions des individus, seconde par seconde, en réponse à un stimulus continu grâce à une unité télémétrique dont les sujets ont le contrôle. Les participants étaient invités, dans un premier temps, à qualifier sur une échelle de 0 à 100 les publicités à l’étude et, dans un deuxième temps, à les évaluer globalement sur une échelle de 0 à 5. Dans les deux cas, le chiffre le plus bas correspondait à «je n’aime pas» et le plus élevé à «j’aime beaucoup».
Cynisme et désengagement
«Un des principaux effets des appels émotionnels dans les publicités électorales serait de causer chez l’individu la réévaluation d’attachements politiques déjà présents et de favoriser la considération de nouvelles informations, explique Marie-Claude Tremblay. Visuellement, on y trouve des images évoquant des sentiments comme l’espoir, la fierté ou la peur. La musique sert le propos et vise à susciter l’enthousiasme, le sentiment d’appartenance à la nation. On cherche également à atteindre les gens dans leurs besoins psychologiques et sociaux comme la sécurité, la puissance et le succès.» De leur côté, les appels rationnels misent visuellement sur les graphiques et des images qui reflètent les qualités du parti ou du candidat. On y présente des faits, des arguments, des comparaisons ou des preuves. Lorsqu’elle est présente, la musique ne sert pas à créer une atmosphère, mais plutôt à identifier le parti.
«En général, les appels rationnels augmentent la crédibilité du message, estime Marie-Claude Tremblay. D'autre part, les appels émotionnels touchent souvent une corde sensible chez l’individu qui fait en sorte qu’il aura tendance à se souvenir davantage du contenu du message. Aux États-Unis, les publicitaires font souvent appel à la peur dans la création des messages télévisés. Il est d'ailleurs prouvé que ces pubs font augmenter le degré de cynisme et de désengagement chez les gens.»