«Avec tout ce qui se passait dans le monde en 1968, le contexte de réception de Humanae Vitae n’aurait pas pu être pire», a expliqué l’historien dont la conférence portait sur l’image de l’Église et l’opinion publique. «Les yeux du monde étaient alors tournés ailleurs. Il y avait Mai 68 en France, avec toutes les répercussions que l’événement a provoquées en Europe. Il y avait aussi le Printemps de Prague, en Tchécoslovaquie. Enfin, le monde entier était encore sous le choc des assassinats de Martin Luther King et de Robert Kennedy. Mais le pire était que les évêques canadiens n’avaient pas lu cette encyclique et n’étaient donc même pas en mesure de la commenter.»
Faire avancer le débat
Cela dit, cette lettre promulguée par Paul VI aura quand même fait couler beaucoup d’encre dans les journaux lors de sa sortie puisque les idées qu’elle contenait allaient à l’encontre de l’opinion publique qui souhaitait alors un assouplissement de la doctrine catholique sur la contraception. Les quotidiens La Presse et Le Devoir consacrèrent notamment un grand nombre d’articles à l’événement dans les semaines qui suivirent. «Contrairement à aujourd’hui, l’agressivité était absente des débats entourant les décisions prises par l’Église catholique, constate Pierre Pagé. Le ton demeurait toujours respectueux, et ce, même quand les opinions divergeaient. On sentait que les gens avaient la volonté de comprendre les enjeux et de faire avancer le débat».
Selon l’historien, bien de l’eau a coulé sous les ponts depuis la parution de Humanae Vitae en 1968 et la disparition du chapelet récité sur les ondes de CKAC en 1971. «Aujourd’hui, dit Pierre Pagé, l’Église est perçue comme un groupe de pression et n’a plus, au regard des médias, l’autorité qui déterminerait le profil de la société. Elle garde un pouvoir d’influence mais seulement lorsque certains de ses leaders sont capables d’intéresser les médias.»