
Répartition de la biomasse des arbres, en tonnes par hectare, dans les différentes régions du Québec, telle qu'estimée par les chercheurs à partir de données satellitaires.
Pour mettre au point leur outil de calcul, les chercheurs ont eu recours aux données récoltées par le satellite ICESat (Ice, Cloud and land Elevation Satellite), lancé par la NASA en janvier 2003. Conçu pour étudier l’évolution de l’épaisseur de la calotte glaciaire, ce satellite est muni d’un système lidar qui émet un faisceau laser en direction de la Terre et capte l’onde de retour, ce qui permet de construire une image 3D. «Puisque ce système permet d’estimer la hauteur de la calotte glaciaire, nous avons pensé qu’il pourrait en faire autant pour les forêts», signale Jonathan Boudreau, qui a passé cinq mois au Maryland, avec les spécialistes de la Nasa, pour se familiariser avec les données produites par ICESat.
Il existe déjà des équations qui permettent d’estimer la biomasse d’un arbre à partir du diamètre de son tronc et de l’espèce à laquelle il appartient. La méthode est efficace à l’échelle d’un peuplement forestier, mais elle est difficilement applicable sur un territoire aussi vaste que le Québec. À l’opposé, le satellite ICESat amasse des tonnes de données, mais on peut difficilement les exploiter si on ne sait pas à quoi elles correspondent au sol. Les chercheurs ont donc eu l’idée de survoler en avion des zones forestières pour lesquelles la composition en espèces et la taille des arbres étaient connues et d’y recueillir le même type de données que celles qui proviennent du satellite afin de lier les deux sources d’information.
Chaque point satellitaire correspond à une superficie de 65 mètres de diamètre au sol pour laquelle le modèle établit une hauteur moyenne des arbres. Grâce à cette information et grâce aux inventaires existants qui documentent la composition en essences forestières à l’échelle des peuplements, les chercheurs ont pu estimer la biomasse dans chaque écozone forestière de Québec. Ceci leur a permis d’établir que les arbres qui poussent au nord de la limite des forêts boréales exploitées renferment 36 % de la biomasse forestière du Québec, presque autant que la forêt boréale commerciale (38 %), ce qui en fait une zone potentiellement importante dans le bilan du carbone. «Les estimations produites par notre modèle ne sont pas parfaites, notamment parce qu’elles n’incluent que la partie aérienne des arbres et qu’elles ne tiennent pas compte des arbustes qui ont moins de deux mètres de hauteur, précise Jonathan Boudreau. Néanmoins, nous avons démontré le potentiel de notre approche.»
Hank Margolis entrevoit la possibilité d’appliquer ce modèle à une échelle encore plus grande. «On pourrait l’utiliser pour estimer la biomasse de la forêt boréale de toute l’Amérique du Nord et même de tout l’hémisphère nord», avance-t-il. Le chercheur y voit aussi un outil qui pourrait grandement aider la recherche sur les changements climatiques. «On pourrait suivre l’évolution des gains et des pertes de carbone à grande échelle dans la biomasse forestière en fonction des efforts déployés pour contrer le réchauffement climatique», ajoute-t-il. Selon le chercheur, il s’agit de la première étude qui parvient à estimer la biomasse d’un territoire à partir de données satellitaires recueillies à l’aide d’un système lidar.