
Le code-barres génétique dévoile des choses étonnantes aux chercheurs. Ainsi, au Costa Rica, ce que l'on croyait être des variantes régionales de l'hespérie étincelante se sont révélées un groupe d'une dizaine d'espèces distinctes.
Les chercheurs ont séquencé la région étalon établie par le CBOL — une partie du gène codant pour l’enzyme cytochrome oxydase, située dans l’ADN mitochondrial — chez 95 % des espèces de poissons d’eau douce du Canada. En théorie, les variations dans la séquence de ce gène sont nettement plus grandes entre les espèces qu’à l’intérieur d’une même espèce, ce qui devrait permettre de départager la plupart des spécimens. Les analyses génétiques que les chercheurs ont effectuées sur 1 360 spécimens appartenant à 190 espèces leur ont permis de classer correctement 93 % des poissons, révèle l’article qu’ils ont publié il y a quelques semaines dans la revue en ligne PloS ONE (Public Library of Science ONE). «Pour les poissons restants, il faudrait utiliser d’autres marqueurs pour obtenir une identification formelle», précise Louis Bernatchez.
Le code-barres génétique s’annonce la solution aux problèmes d’identification auxquels sont régulièrement confrontés les chercheurs. Il permet d’identifier formellement un spécimen, même s’il ressemble à s’y méprendre à une autre espèce, même s’il est au stade larvaire de sa vie et même si on ne dispose que d’une partie de son corps. La séquence étalon utilisée pour identifier les espèces est relativement courte comparée à l’ensemble du génome, de sorte que son décryptage est rapide et ne coûte que quelques dollars. Cet outil a des applications ailleurs qu’en recherche fondamentale sur la biodiversité. «On peut s’en servir pour la gestion des populations animales, pour identifier correctement une espèce nuisible et choisir un traitement approprié, et même pour protéger la population contre la fraude», souligne le professeur Bernatchez. En effet, grâce aux codes-barres génétiques, deux chercheurs de l’Université de Guelph ont découvert récemment que 25 % des poissons et fruits de mer qu’ils ont échantillonnés dans des poissonneries et restaurants du Canada et des États-Unis étaient vendus sous un nom qui ne correspondait pas à leur véritable espèce.
L’effort canadien au CBOL, coordonné par le Canadian Barcode of Life Network, a déjà permis de définir le code-barres de plus de 1000 espèces animales du pays, soit 16 % de l’objectif de 6 907 espèces. Le travail est avancé chez les oiseaux (95 % des espèces) et les mammifères (60 %), mais le groupe le plus abondant, les insectes, tire de la patte: seulement 4 des 4 752 espèces ciblées ont livré leur code-barres. Toutes les séquences obtenues de par le monde sont mises en commun dans le site du CBOL. Au dernier décompte, on y trouvait 481 000 espèces. Les chercheurs peuvent déjà obtenir l’identification en ligne d’un spécimen problématique en soumettant sa séquence du gène étalon.
Ce répertoire couvrira-t-il un jour toutes les espèces de la Terre? «Pour les poissons et les autres vertébrés, je crois la chose possible, estime Louis Bernatchez. Pour les invertébrés, dont la classification a toujours été problématique vu le grand nombre d’espèces et la rareté des spécialistes capables de les identifier, le code-barres génétique pourrait aider à combler le retard. La révolution actuelle dans la capacité de séquençage, qui a accéléré le débit par un facteur 1000 tout en réduisant les coûts par un facteur 100, rend le projet encore plus réaliste.»