Dans ce contexte de spiritualité à la carte, si un «bien de salut» s’avère satisfaisant, la personne le cultive. Mais si l’expérience est insatisfaisante, elle passe à autre chose. «Le croyant peut aussi passer à un autre bien de salut si de nouveaux besoins apparaissent, souligne Raymond Lemieux. Ces expériences ne sont pas négatives la plupart du temps. On a le sentiment d’avoir fait des progrès, on a acquis quelque chose.» Cela dit, bien des contemporains en quête de sens se retrouvent «désabusés», d’une part par les réponses apportées par la tradition chrétienne et, d’autre part, par leur liberté elle-même. «En prenant des voies non tracées, on risque de se retrouver devant le vide, poursuit le professeur. Cette expérience peut être traumatisante parce qu’il faut faire des choix jamais assurés.»
Même si les institutions religieuses traditionnelles ont connu, au Québec, un effritement rapide et drastique dans les années 1960 et 1970, et malgré la sécularisation des mœurs qui s’ensuivit, les phénomènes à caractère religieux n’ont jamais été évacués. «La religiosité est peut-être plus vivante que jamais, avance Raymond Lemieux. Elle s’exprime aujourd’hui sous des formes différentes et multiples, notamment à travers toutes sortes de petits groupes religieux.» La pratique religieuse, bien que très faible, existe toujours. Au début des années 1990, de 25 à 30 % des résidants dans les milieux ruraux du diocèse de Québec allaient encore régulièrement à la messe. Selon le professeur, le Québec a atteint un degré élevé de sécularisation. «Il existe ici une radicalité qui m’apparaît assez spécifiquement québécoise, dit-il. On sent une retenue qui fait que même les gens qui ont des convictions religieuses craignent de les exprimer.»