C’est l’un des constats qu’on peut lire dans l’ouvrage La radio X, les médias et citoyens. Dénigrement et confrontation sociale qui vient tout juste de paraître aux Éditions Nota bene. Ses auteurs sont Diane Vincent, professeure de linguistique à l’Université Laval, Olivier Turbide, auteur de plusieurs publications sur les discours médiatiques des politiciens et Marty Laforest, professeure à l’UQTR. Fondé sur une analyse rigoureuse d’un vaste ensemble de données orales et écrites provenant de divers médias, radio x ou autres, toutes en rapport avec ce qu’il est convenu d’appeler «l’affaire CHOI», l’ouvrage réunit six études comme autant de chapitres sur le phénomène de la radio dite extrême à Québec. On y apprend qu’en plus de contaminer le climat social, la violence verbale pousse d’autres acteurs des médias à prendre position, avec le résultat que tout le monde y va sans vergogne de ses qualifications péjoratives et de ses conclusions assassines. Car dire du mal de l’autre est un sport extrême qui se pratique à deux. Pour se distinguer et attirer l’attention de l’auditoire très sollicité, il faut aller plus loin ou du moins aussi loin que le concurrent, avec le résultat que les animateurs et les journalistes qui critiquent Fillion obéissent à la même logique. Au cours de l’été 2004, certains opposants à Fillion y sont allés d’accusations très graves, soulignent les auteurs, l’associant par exemple aux animateurs rwandais de la Radio des Mille Collines, qui incitaient au génocide. La chroniqueuse au journal La Presse, Nathalie Petrowski, n’y est pas allé de main morte non plus, qualifiant Fillion de «tueur en série de la parole» et de «psychopathe du micro».
Jeff Fillion a beau ne plus sévir à la station CHOI-FM, il n’en demeure pas moins que la violence verbale, caractérisée par un ton agressif et des propos grossiers, blessants ou violents, déborde des ondes radiophoniques et fait de plus en plus partie du paysage social, ce qui marque une étape vers sa banalisation, estime Diane Vincent. «Beaucoup de frustration passe par la parole, comme si tout cela était devenu acceptable, constate-t-elle. En même temps, au Québec et contrairement à la France, les gens ne tolèrent pas qu’un participant à un débat télévisé fasse preuve d’agressivité envers son vis-à-vis et sont portés à se ranger du côté de la victime. Jeff Fillion, lui, jouait beaucoup sur la victimisation. Tout cela donne à réfléchir.»