«L’insulte et le dénigrement public sont monnaie courante dans les plaintes déposées à la Commission», rapportent les responsables de cette recherche dans un article paru récemment dans la revue Relations industrielles. «Le respect de la personne est une valeur en perte de vitesse dans les milieux de travail et l’individualisme ambiant justifie bien souvent n’importe quel propos lorsqu’il s’agit de parvenir à ses fins, comme de nuire sciemment à une personne.»
Les plaintes analysées provenaient de personnes non syndiquées, seuls les salariés non syndiqués, les cadres et le cadres supérieurs des entreprises du secteur privé assujetties à la Loi sur les normes du travail pouvant adresser une plainte écrite à la Commission du travail du Québec. Parmi l’ensemble des cas, 63 % des plaignants étaient des femmes. La personne mise en cause était un homme dans une proportion de 64 %. Près de 60 % des individus étaient sans emploi au moment où ils avaient déposé leur plainte. Leurs secteurs de travail étaient le commerce de détail (23 %); l’hébergement et la restauration (13 %); l’industrie manufacturière (11 %); le commerce de gros (7 %) et les organismes sans but lucratif (7 %). Près de 95 % des victimes soulignaient le caractère répétitif du harcèlement. Les principaux motifs de plaintes étaient des propos et des gestes vexatoires (132 plaintes); les atteintes aux conditions de travail (77); la menace de congédiement (49); l’attaque directe et publique visant à discréditer la personne (39) et la mise à l’écart ou l’isolement (39).
Des tensions humaines
Dans le cadre de leur étude, les chercheurs ont remarqué que les tentatives de résolutions émanaient la plupart du temps uniquement du plaignant et que les cas où un autre employé était intervenu pour faire cesser ou dénoncer une situation connue par l’environnement immédiat du plaignant s’avéraient rares. De manière générale, les personnes ne savent pas trop comment s’interposer dans un conflit, notent Jean-Pierre Brun et Evelyn Kedl. «Dans l’entreprise, la première réaction à un signalement à propos d’un harcèlement psychologique est l’inaction, que ce soit en ignorant la situation ou en la banalisant, en tentant d’étouffer l’histoire ou en ne sanctionnant pas la personne mise en cause, rapportent les auteurs. Dans aucune des plaintes il n’est fait mention de dispositifs organisationnels de prévention ou de gestion des diverses formes de tensions humaines. En même temps, les problèmes de harcèlement sexuel ne se règlent pas uniquement par le biais de politiques organisationnelles, mais aussi par le dialogue, le soutien social au travail et des relations interpersonnelles saines accordant une grande place à l’éthique et à la morale.»