Les plantes assimilent volontiers le silicium biodisponible qu’elles trouvent dans le sol. Cet élément représente d’ailleurs entre 1 et 10 % du poids sec de la plupart des végétaux terrestres. Malgré l’appétit des plantes pour cet oligo-élément et sa relative abondance dans les tissus végétaux, on ne lui connaît aucun rôle biochimique, d’où les discussions entourant la pertinence de l’utiliser comme engrais. François Fauteux, Florian Chain, François Belzile et Richard Bélanger, du Département de phytologie de l’Université Laval, et James Menzies, d’Agriculture Canada, ont eu l’idée d’aller voir comment les gènes des plantes réagissaient à l’ajout de silicium dans un milieu de croissance. Pour y arriver, ils ont fait appel à une puce à ADN contenant tous les gènes d’une mauvaise herbe nommée arabette des dames. «Cet outil, qui décèle l’activation ou l’atténuation des gènes, est disponible depuis quelques mois à peine, signale Richard Bélanger. Notre étude est la première à faire appel au génome complet de cette plante pour faire la lumière sur le rôle du silicium.»
Première surprise des chercheurs, sur les quelque 40 000 gènes que compte la puce à ADN de l'arabette, seulement deux ont réagi à l’ajout de silicium. «Ils sont sans lien avec le rôle pressenti de cet élément, assure le professeur Bélanger. Si le silicium jouait un rôle quelconque dans la croissance de la plante, on aurait dû observer une activation d’un grand nombre de gènes. Nos résultats remettent donc en question le rôle du silicium comme fertilisant.»
Le silicium jouerait tout de même un rôle biologique très important chez les plantes, ont découvert les chercheurs lors d’une deuxième série d’expériences au cours de laquelle ils ont étudié la réponse génétique de spécimens d’arabette attaqués par un champignon pathogène. La réponse, révélée par la puce à ADN, a été spectaculaire: 4 000 gènes ont réagi. «De nombreux gènes liés au système de défense de la plante ont été activés alors qu’une bonne partie de ceux qui contrôlent la croissance et le fonctionnement normal de la plante a été atténuée», précise Richard Bélanger. Par contre, les plantes qui profitaient d’un ajout de silicium ont réagi de façon moins virulente. «L'amplitude des gènes atténués était 25 % plus basse, ce qui indique que la plante subit moins de stress», explique-t-il.
Alors, essentiel ou non le silicium? «Chez les plantes qui ne sont pas soumises à un stress, cet élément n’a pas d’effet sur le métabolisme et il n’est donc pas essentiel. Par contre, il a un effet bénéfique chez la plante confrontée à un agent pathogène. Fournir du silicium à une plante sous forme assimilable constitue donc une sorte de police d’assurance face aux stress.»
Cette découverte ne plaira pas à tous, souligne le phytologiste. En effet, les distributeurs de silicium profitaient de l’ambiguïté qui régnait pour inciter les producteurs agricoles à utiliser généreusement cet élément comme engrais. Le Canada fait toutefois bande à part puisqu’il n’autorise pas cet usage. «Le silicium devrait être considéré comme un élément bénéfique contre les stress biotiques et abiotiques et pas comme un engrais, estime Richard Bélanger. Le défi consiste maintenant à trouver moyen de l’utiliser de façon optimale.»