
Qui dont la qualité de l’enseignement aurait attiré sur le campus des étudiants comme l’écrivaine Marie-Claire Blais et les auteurs-compositeurs interprètes Sylvain Lelièvre et Gilles Vigneault? Qui a participé tant à l’implantation du parcours Métrobus au cœur de la Cité universitaire qu’à la création du Club de football Rouge et Or? Sous la gouverne de qui était lancé, il y a plus de cinquante ans, le journal de la communauté universitaire dont les transformations ont abouti à la plateforme de nouvelles où paraissent ces lignes?
Les réponses à ces questions et bien d’autres informations pertinentes, voire surprenantes, se trouvent dans un ouvrage paru récemment Des bâtisseurs contemporains (à ne pas oublier) de l’Université Laval.
Prendre le relais
Or, ce livre a bien failli ne pas voir le jour, raconte son auteur Richard Leclerc, un brin d’amusement dans la voix. Ce détenteur de multiples diplômes issus du campus (relations industrielles, aménagement du territoire, géographie, science politique) est le fils de Mathieu Leclerc, qui a connu une longue carrière à l’Université, notamment au Service des finances dont il a été le directeur durant 30 ans. Retraité en 1998, il a occupé différents postes au sein l’Association des retraités de l’Université Laval, qu’il a dirigé durant dix ans jusqu’en 2014.
Son décès est survenu cette même année. «En faisant le tri de ses affaires, je suis tombé par hasard sur un bout de papier en apparence anodin à l’endos duquel était gribouillée une série de noms et les prémisses d’un projet de livre», raconte Richard Leclerc. En questionnant Lucien Huot, professeur retraité de la Faculté des sciences et de génie (FSG) et ami de son père, le fils en apprend davantage sur ses intentions. «Il désirait écrire un ouvrage pour rendre hommage à des personnes dont l’apport au développement de l’Université était un peu passé dans l’ombre. Comme un legs de commémoration à l’établissement où il a consacré l’essentiel de sa vie professionnelle.»
Il faut dire que chez les Leclerc, l’attachement au campus est chose évidente. «L’Université fait pratiquement partie de la famille chez nous, raconte le diplômé. Petit, j’y ai accompagné de nombreuses fois mon père à l’occasion de divers événements. De même, il arrivait souvent que des collègues et membres de la communauté soient accueillis en tant que visiteurs à la maison.»
À titre plus personnel, celui qui occupe aujourd’hui des fonctions de direction au sein du gouvernement du Québec ajoute: «Comme enfant d’un employé de l’Université, mes études – baccalauréat, maîtrises et doctorat – ont été payées par elle. J’en garde une grande reconnaissance.»
Déjà une ouverture sur le monde
Réaliser le rêve de son père, traduire son attachement à son alma mater et relever un défi assez complexe – perspectives qui le motivent –, il n’en fallait pas plus pour que Richard Leclerc se lance.
Pour l’aider dans son entreprise, en plus de Lucien Huot, l’auteur s’est adjoint la collaboration de deux autres professeurs à la retraite, Jean-Claude Méthot, lui aussi de la FSG, et Jean-Guy Savard de la Faculté des lettres et des sciences humaines.
Ensemble, avec comme point de départ la liste préliminaire rédigée par Mathieu Leclerc, ils ont épluché des profils de nombreux anciens employés du campus dans le secteur du soutien administratif ou encore de professeurs sur la base de trois critères. Les personnes choisies devaient avoir fait carrière après 1945 et être décédées au moment de rédiger l’ouvrage. Et celles qui avaient déjà été honorées par l’Université n’étaient pas retenues.
Au cours de son travail minutieux de recherche, de vérification et de rédaction, qui a duré environ cinq ans, le fils de Mathieu Leclerc a été surpris de constater la forte présence de l’Université sur la scène internationale, même à cette époque. «On conserve l’idée d’un Québec fermé sur le monde avant la Révolution tranquille. Pourtant, sur le campus, des liens forts avec l’étranger étaient nourris à la faveur de collaborations avec de nombreux pays.»

Bâtir au féminin?
Au total, 26 biographies touchant les champs d’activités culturel, économique, politique, scientifique et social font l’objet de Des bâtisseurs contemporains (à ne pas oublier) de l’Université Laval. Un choix subjectif, certes, commente Richard Leclerc, «mais il se veut autant que possible une juste représentation des personnes qui, dans la période dont il est question, en plus de contribuer au progrès de l’Université, ont participé à l’amélioration de la société québécoise et même de la communauté internationale.»
En revanche, l’auteur admet d’emblée la faible représentation féminine dans l’échantillon retenu. Une femme y figure, soit Édith Côté, qui a notamment participé la création des programmes de 2e et 3e cycles en sciences infirmières. «Cette réalité reflète la société de ce temps-là, note-t-il. L’embauche des femmes est arrivée plus tardivement et l’effectif féminin était rare.»
Cela étant, ce passionné d'histoire, qui compte de nombreuses publications à son actif, dont plusieurs rendent compte du développement et de l'avancement des sociétés, serait-il intéressé par l’écriture d’un ouvrage sur les bâtisseuses du campus? Sa réponse ne se fait pas attendre: «J’ai aimé mon expérience avec les bâtisseurs, alors oui, pourquoi pas?».