L’histoire commence au début des années 80, alors que l’état des activités économiques de la région de Québec n’incite pas à l’optimisme. Le gouvernement laisse entendre qu’il va réduire ses dépenses, alors que la fonction publique se taille la part du lion comme employeur. Côté privé, un fossé sépare la recherche universitaire du monde de l’entreprise. Conscient de ces difficultés et soucieux de la nécessité de diversifier l’économie locale, le recteur de l’Université Laval de l'époque, Jean-Guy Paquet, décide d’agir. Il demande aux chercheurs d’identifier des projets porteurs d’avenir, particulièrement dans un secteur d’excellence dans lequel l’Université se distingue depuis les années cinquante, la recherche en optique. «La moitié des diplômés au doctorat en physique optique au Canada venaient de Laval», rappelle-t-il.
En 1984, un sommet socioéconomique se tient à Québec. Les maires, quelques ministres et des acteurs socioéconomiques s’y rencontrent pour discuter des priorités régionales d’avenir. Jean-Guy Paquet y voit l’occasion rêvée de convaincre les décideurs. Trente minutes avant la fin de la réunion, le voilà présentant les projets d’un centre de la biomasse, du Centre francophone d’informatisation des organisations (CEFRIO) et de l’Institut national d’optique, le tout regroupé dans un parc technologique. L’assistance, plutôt dépassée par tant de nouveaux concepts, n’y comprend pas grand-chose, mais suit quand même l’avis du maire de Québec, Jean Pelletier, qui propose de voter en faveur de ces projets. Fort de cet appui, le recteur de l’Université peaufine son idée en visitant, en compagnie du vice-recteur Yves Giroux, le Research Triangle Park, un parc technologique développé par trois universités à Raleigh, en Caroline du Nord. Des laboratoires universitaires, gouvernementaux et de grandes entreprises y collaborent sur des terres agricoles abandonnées.
Depuis son bureau au sommet de la tour du pavillon des Sciences de l'éducation, le recteur Paquet repère l’emplacement idéal, une tache verte à mi-chemin entre l’aéroport et le campus, à un croisement d’autoroutes. Le problème, c'est que ces terrains vagues se trouvent à la fois à Québec et à Sainte-Foy, dont les maires, Jean Pelletier et Andrée Boucher, ne s’entendent pas. Finalement, une réunion organisée à l’Université pour les 125 décideurs de la région, les treize maires de la communauté urbaine et le directeur du Parc technologique de Raleigh débloque la situation. Le Groupe d’action pour l’avancement technologique et industriel de la région de Québec (GATIQ) se met en place. Présidé par Jean-Guy Paquet, ce groupe réunit les responsables de la Chambre de commerce, de l’INRS et de centres de recherche. Il obtient l’aval du gouvernement fédéral pour un premier occupant dans le Parc, l’Institut national d’optique. «À cette époque, le fédéral ne voulait pas de centre de recherche sur les campus, se souvient l’ancien recteur. Quand il a appris que nous pensions installer l’INO dans un nouveau parc technologique, le ministre de l’époque a alors débloqué le projet.»
Très lié aux chercheurs universitaires
En 1988, le Parc démarre ses activités. Ses dirigeants souhaitent y attirer des entreprises axées sur le savoir, non polluantes et tournées vers les pôles d’excellence de la région, à savoir l’optique-photonique, les biotechnologies, la foresterie et l’agriculture. François Tavenas, alors recteur de l'Université, en présidera le premier conseil d'administration. BioChem Pharma sert de bougie d’allumage pour le secteur pharmaceutique tandis que le déménagement des chercheurs de Forintek, d’Ottawa à Québec, renforce les liens avec la Faculté de foresterie et de géomatique pour la recherche et le développement autour des produits du bois. À en croire le président du conseil d’administration de l’INO, Jean-Guy Paquet, la proximité des chercheurs universitaires en photonique aide à améliorer les connaissances dans le domaine. «Plusieurs membres de l’Institut encadrent des thèses d’étudiants, qui ont accès à des laboratoires, souligne-t-il. Lorsque le Centre d’optique, photonique et laser de l’Université Laval (COPL) s’est agrandi, ses responsables ont observé nos tours d’étirement de la fibre optique pour faire construire leur propre équipement.»
Cette collaboration étroite entre les laboratoires et les entreprises du Parc et l’Université devrait encore s’intensifier dans les années à venir. C’est en tout cas le souhait d’Edwin Bourget. Le vice-recteur à la recherche et à la création vient d’être nommé président du conseil d’administration du Parc technologique. «Le maillage serré avec les entreprises ne peut que favoriser l’emploi chez nos diplômés et le développement économique de la région, indique le biologiste. Il faut encourager la création d’entreprises issues des découvertes universitaires et s’assurer que les étudiants peuvent effectuer des stages dans les entreprises du Parc.» Selon lui, l’optique et les technologies de l’information constituent toujours les pierres angulaires de ce regroupement de forces vives. Une tendance qui devrait encore s’accentuer, puisque le Parc technologique va offrir prochainement des services d’accompagnement et de maillage aux quelques dizaines d’entreprises spécialisées en technologies de l’information installées dans le quartier Saint-Roch à Québec.