Le marché des produits sans gluten est en pleine croissance et l'industrie répond de mieux en mieux aux demandes des quelque 10 à 20 % des consommateurs qui ont choisi d'éliminer le gluten de leur alimentation. Le pain constitue malheureusement l'exception. Les pains sans gluten sont une pâle imitation des pains de blés : ils sont affligés de nanisme, leur mie est sèche et friable et leur texture compacte manque cruellement d'élasticité. Et tout cela à fort prix. Des travaux menés par l'équipe du professeur Mohammed Aïder, de la Faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation et de l'Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels, laissent toutefois entrevoir des jours meilleurs pour les produits de boulangerie sans gluten.
Rappelons que le gluten est une classe de protéines contenues dans le blé et dans d'autres céréales. «Ces protéines sont responsables de la texture alvéolaire et de l'élasticité du pain de blé, explique le professeur Aïder. Elles forment un réseau qui retient le CO2 produit au moment de la fermentation ainsi que la vapeur d'eau générée lors de la cuisson.» Chez certaines personnes, le gluten peut toutefois provoquer des réactions immunitaires et inflammatoires. Ainsi, les personnes souffrant de maladie cœliaque – 1 à 2 % de la population – et les personnes qui ont une sensibilité au gluten – entre 6 et 10 % de la population – doivent adopter un régime sans gluten pour soulager leurs maux.
Mohammed Aïder a eu l'idée de remplacer le gluten par des protéines de canola dans un pain de farine de riz. «Mes travaux antérieurs sur l'extraction et la valorisation du tourteau de canola (ce qui reste des graines après l'extraction de l'huile) me portaient à croire que ces protéines pouvaient améliorer les problèmes de structure et d'élasticité du pain sans gluten», explique-t-il.
L'étudiante-chercheuse Kamela Salahe et le professeur Aïder ont donc préparé et cuit des pains à base de farine de riz contenant 0, 3, 6 et 9 % d'extraits protéiques de canola. Ils ont ensuite comparé les caractéristiques de ces pains à celles d'un pain classique de farine de blé. Les résultats, qu'ils publient avec leur collègue russe Egor Olkhovatov dans le Journal of Food Science and Technology, montrent que les protéines de canola ouvrent une piste très prometteuse.
«Le pain de farine de riz à 6 % d'extraits protéiques de canola a un volume, une structure alvéolaire, une texture et une couleur qui, sans égaler ceux du pain de blé, s'approchent des attentes des consommateurs, résume le professeur Aïder. Sa teneur en protéines en fait aussi un produit ayant une valeur nutritionnelle plus intéressante qu'un simple pain de riz. Nous tentons maintenant d'améliorer ce pain en ajoutant au mélange des composés qui augmenteraient la rétention du CO2 et de la vapeur d'eau.»
Et pour ce qui est du goût? «Je ne suis pas très exigeant, mais je trouve que ce pain a un goût très agréable, répond le chercheur. Le canola lui donne une saveur qui me rappelle les produits contenant des graines de tournesol.»