Remplacer quotidiennement quelques cigarettes par du vapotage peut sembler un bon moyen de réduire les effets nocifs du tabac sur vos poumons. Il pourrait toutefois s'agir d'une bien mauvaise idée, suggère une étude publiée dans la revueLung Cellular and Molecular Physiology par une équipe de l'Université Laval et du Centre de recherche de l'Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec.
«La fumée de cigarette et la vapeur de cigarette électronique ont chacune leurs effets propres sur le poumon. Lorsqu'on les combine, leurs interactions font qu'il se passe quelque chose de plus dans les poumons», résume le responsable de l'étude, le professeur Mathieu Morissette, de la Faculté de médecine.
Les chercheurs ont mesuré la réponse des tissus pulmonaires à trois types d'exposition chez des souris de laboratoire. Les souris du premier groupe étaient exposées à la fumée de tabac, celles du second groupe à la vapeur de cigarette électronique sans nicotine et sans saveur, et celles du troisième groupe à la fumée de tabac le matin et à la vapeur de cigarette électronique en après-midi.
Après 8 semaines, les chercheurs ont constaté plusieurs différences entre les souris exposées uniquement à la fumée de cigarette et celles exposées à la fumée de tabac et à la vapeur de cigarette électronique. D'abord, l'horloge moléculaire contrôlant l'expression des gènes des poumons est décalée chez les souris du dernier groupe. «On estime que 20% des gènes pulmonaires ont un rythme circadien. La fumée de tabac affecte ce cycle, mais l'organisme parvient à s'adapter. La vapeur de cigarette électronique semble toutefois interférer avec ce processus d'adaptation», avance le professeur Morissette.
Les chercheurs ont aussi observé des changements dans l'abondance relative de certaines cellules immunitaires chez les souris exposées à la fumée et à la vapeur. Même constat du côté des immunoglobulines, une famille d'anticorps, dont le niveau est plus faible dans ce même groupe.
«Ces résultats démontrent que la fumée de vapotage, même sans nicotine et sans saveur, affecte la façon dont les poumons réagissent à la fumée de cigarette, commente Mathieu Morissette. Le mélange de glycérol et de propylène glycol utilisé comme véhicule dans toutes les vapoteuses produit des effets autres que ceux de la fumée de cigarette sur les poumons.»
Selon le chercheur, ces interactions pourraient avoir une incidence sur la trajectoire du processus pathologique déclenché par la cigarette. Ainsi, un fumeur atteint d'une maladie pourrait avoir des symptômes plus sévères ou il pourrait développer une maladie plus grave que s'il s'était limité au tabagisme.
«Il existe de très nombreuses études qui ont examiné les effets de la cigarette électronique sur les poumons, mais aucune ne s'était penchée sur les effets d'une exposition cumulée à la vapeur de vapotage et à la fumée de tabac. Pourtant, la moitié des vapoteurs adultes sont aussi des fumeurs», rappelle le chercheur.
Les autres signataires de l'étude sont Ariane Lechasseur, Carole-Ann Huppé, Maude Talbot, Joanie Routhier, Sophie Aubin, Marie-Josée Beaulieu, Caroline Duchaine et David Marsolais.