Les chercheurs soupçonnaient que la variabilité dans la production de cortisol entre des personnes soumises à un même stress dépendait à la fois de facteurs génétiques et environnementaux. Afin de départager plus finement l’apport des gènes et du milieu, ils ont fait appel à des jumeaux de 19 mois recrutés dans la grande région de Montréal: 130 monozygotes – de vrais jumeaux qui partagent 100 % de leurs gènes – et 216 dizygotes – des jumeaux fraternels qui partagent en moyenne 50 % de leur bagage génétique. À tour de rôle, chaque enfant, accompagné de sa mère, était placé dans une pièce où l’on faisait entrer un clown puis un robot bruyant. «Ce ne sont pas des événements traumatisants, mais c’est suffisant pour provoquer des changements de comportements chez bon nombre d’enfants de cet âge», signale le professeur Boivin.
Le contexte familial
Les chercheurs ont mesuré les taux de cortisol contenu dans la salive des enfants avant et après l'expérience et ils les ont analysés en fonction du contexte familial de chacun. Certains facteurs de risques – tabagisme pendant la grossesse, faible revenu familial, faible niveau d’éducation, monoparentalité, maternité à un très jeune âge, petit poids de l’enfant à la naissance, agressivité de la mère envers son enfant – ont un effet connu sur le taux de cortisol des enfants. Près du quart des familles participantes, qui cumulaient au moins quatre facteurs de risques, ont été classées dans la catégorie «contexte familial difficile». Les analyses indiquent que si la part des gènes dans la réponse en cortisol est de 40 % chez les enfants qui profitent d’un contexte familial favorable, elle tombe à zéro chez ceux qui vivent dans des familles où le contexte est difficile. L'effet de l'environnement partagé par les jumeaux d'une même fratrie est plus déterminant dans les familles où le contexte est difficile.
Les chercheurs ignorent pour l’instant si le conditionnement de la réponse en cortisol est permanent chez les enfants provenant de famille à risques. Néanmoins, Michel Boivin estime que cette étude confirme l’importance d’intervenir auprès des familles pour éliminer certains facteurs de risques qui pourraient favoriser l’instauration d’une réponse conditionnée au stress chez les jeunes enfants. «Une hausse transitoire du cortisol est normale en condition de stress. Par contre, des taux continuellement élevés de cette hormone peuvent s’avérer néfastes pour le développement de l’enfant», prévient-il.
Mentionnons que l’article paru dans Archives of General Psychiatry a permis à Isabelle Ouellet-Morin de remporter le prix Guy-Bégin, décerné par la Société québécoise pour la recherche en psychologie. Attribué chaque année depuis 1989, ce prix récompense l’étudiant-chercheur québécois qui signe, à titre de premier auteur, le meilleur article dans le domaine de la psychologie.