L'aripiprazole est un médicament de choix pour les jeunes qui font un premier épisode de trouble psychotique. Toutefois, une étude publiée dans la revue CNS Drugs vient ajouter aux soupçons qui pesaient sur ce médicament: il augmenterait de 8,6 fois le risque d'avoir des comportements de jeu problématique.
C'est la conclusion à laquelle arrivent des chercheurs de la Faculté de pharmacie, de l'École de psychologie et de la Faculté de médecine de l'Université Laval qui ont étudié le lien entre ce médicament et le jeu problématique chez des jeunes de 18 à 30 ans inscrits à un programme de suivi après un premier épisode de trouble psychotique.
«L'aripiprazole est très fréquemment prescrit à ces patients, d'une part, parce qu'il est bien toléré et, d'autre part, parce qu'il est administré par injection mensuelle. Ses effets sont durables et l'adhésion au traitement est meilleure», précise le premier auteur de l'étude, le doctorant Olivier Corbeil, de la Faculté de pharmacie.
L'analyse rétrospective des dossiers des participants a révélé que parmi les 14 patients qui ont développé des comportements de jeu problématique après leur recrutement dans le programme, 86% (12) prenaient de l'aripiprazole. Dans un groupe témoin comparable, mais où aucun problème de jeu n'a été détecté, 34% des 56 patients prenaient ce médicament. En éliminant l'effet de certains facteurs favorisant le jeu problématique, les chercheurs arrivent au constat que la prise d'aripiprazole augmenterait d'environ 8,6 fois le risque de jeu problématique.
Comment expliquer cet effet indésirable du médicament? «L'aripiprazole agirait sur la dopamine et la sérotonine qui interviennent dans le système de récompense et dans les comportements impulsifs et compulsifs, répond Olivier Corbeil. C'est particulièrement problématique pour les jeunes qui ont un premier épisode de trouble psychotique parce qu'ils sont enclins à développer des dépendances.»
Les résultats de cette étude ont déjà conduit à des changements dans le suivi clinique des patients inscrits au programme, souligne le doctorant. «La dépendance au jeu n'est pas un effet secondaire comme les maux de tête ou d'estomac. Les patients n'associent pas spontanément ce comportement avec la prise du médicament. On prend donc soin de les prévenir qu'il y a des risques qu'ils développent un problème de jeu en lien avec leur trouble psychotique, et peut-être encore plus s'ils prennent l'aripiprazole. De plus, on effectue maintenant un dépistage du jeu problématique tous les six mois, comme on le fait pour le cannabis ou l'alcool. Si on détecte un problème, on peut suggérer au patient de participer à une thérapie contre la dépendance au jeu. Si cette intervention ne produit pas de résultats, on lui prescrit alors un autre médicament. Davantage d'études sont nécessaires pour bien identifier les patients les plus à risque de développer cet effet indésirable et ainsi ne pas priver certains jeunes d'une option pharmacologique fort utile.»
L'étude publiée dans CNS Drugs est signée par Olivier Corbeil, Stéphanie Corbeil, Michel Dorval, Pierre-Hugues Carmichael, Isabelle Giroux, Christian Jacques, Marie-France Demers et Marc-André Roy. Ces chercheurs sont rattachés au Centre de recherche CERVO, au Centre québécois d'excellence pour la prévention et le traitement du jeu et au Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval.