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Une fiole de 4 ml de Keytruda, un anticorps monoclonal utilisé dans le traitement de plusieurs cancers, dont celui du poumon, coûte 4400$. Sur recommandation du fabricant, ce qui reste dans une fiole à la fin de la journée où elle a été entamée doit être jeté par crainte de contamination par les bactéries ou par les champignons. Cette pratique serait un pur gaspillage, si l'on en juge par une étude publiée récemment dans la revue Pharmacy par une équipe de l'Université Laval. En effet, cette équipe a démontré que ce médicament peut être conservé sans risque pendant au moins 14 jours, et ce, même à la température de la pièce.
«En raison de cette pratique, des centaines de millions de dollars de ce médicament sont jetés chaque année à travers le monde. À l'Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec-Université Laval (IUCPQ), nous avons calculé que ce gaspillage se chiffrait à environ 100 000$ annuellement», souligne Benoît Drolet, professeur à la Faculté de pharmacie de l'Université Laval et chercheur au Centre de recherche de l'IUCPQ.
Afin de vérifier si les craintes du fabricant étaient fondées, les membres de l'équipe du professeur Drolet ont prélevé des échantillons de Keytruda dans trois fioles. Sept jours et quatorze jours plus tard, ils ont refait des prélèvements dans les mêmes fioles. Ces échantillons ont été placés dans des milieux de culture afin de déterminer s'ils contenaient des microorganismes. L'équipe a aussi mesuré les caractéristiques physicochimiques du médicament aux jours 0, 7 et 14.
«Les résultats montrent que le médicament est demeuré stable et qu'il n'y a pas eu de contamination microbiologique, et ça peu importe si les fioles avaient été gardées à la température de la pièce ou au froid», résume le professeur Drolet.
La pratique de «l'usage unique, le jour même» de ce médicament doit être remise en question, estime le chercheur. Le processus est d'ailleurs en cours à l'IUCPQ-Université Laval.
— Benoît Drolet
La pratique de «l'usage unique, le jour même» s'applique à plusieurs autres médicaments de la famille des anticorps monoclonaux, poursuit le professeur Drolet. «Il faudrait déterminer dans chaque cas si elle est fondée. Si on peut utiliser le contenu restant des fioles de ces médicaments, ça représenterait des économies substantielles au Québec et à l'échelle de la planète parce qu'ils sont tous très coûteux.»
Les autres signataires de l'étude parue dans Pharmacy sont Alexandra Porlier, Pierre-Yves Gagnon, Valérie Chénard, Marc Veillette, Nicolas Bertrand, Caroline Duchaine et Chantale Simard.