
Les enfants exposés au diabète de grossesse partent avec une prise contre eux dans la vie. Toutefois, une période d'allaitement maternel de quelques mois aiderait à reprogrammer leur métabolisme.
Lors d'une grossesse normale, il y a une diminution de la sensibilité à l'insuline chez la femme, rappelle la responsable de l'étude, Julie Robitaille, professeure à l'École de nutrition. Cette adaptation métabolique vise à assurer que suffisamment de glucose sanguin parvienne au fœtus. Le corps de la mère étant moins sensible à l'insuline, il y a augmentation de la sécrétion de cette hormone afin de maintenir le taux de glucose à l'intérieur des valeurs normales. Toutefois, chez certaines femmes, l'organisme ne parvient pas à produire suffisamment d'insuline pour s'adapter; les problèmes de régulation du taux de glucose sanguin qui s'ensuivent constituent le diabète de grossesse. La prévalence de ce problème, qui était de 2,5% en 1989, atteint maintenant près de 8% chez les futures mamans québécoises.
«Pour le fœtus, la hausse du taux de glucose sanguin qui accompagne le diabète de grossesse équivaut à une forme de suralimentation in utero, souligne la professeure Robitaille. C'est ce qui explique pourquoi ces enfants ont un poids élevé pour leur âge gestationnel.» En plus de rendre l'accouchement plus ardu, cette exposition au diabète de grossesse perturbe le métabolisme des enfants, augmentant leur risque ultérieur de diabète de type 2 et d'obésité. «Plusieurs études suggèrent que les premiers mois de vie ouvrent une fenêtre de reprogrammation métabolique qui peut être mise à profit par une bonne alimentation. Les enfants exposés au diabète de grossesse partent avec une prise contre eux dans la vie. Nous avons voulu savoir si l'allaitement maternel pouvait les aider», explique la chercheuse.
Pour ce faire, la professeure Robitaille et ses collaborateurs ont étudié 104 enfants, âgés de 4 à 12 ans, qui avaient été exposés au diabète de grossesse. À l'aide des données morphométriques et biochimiques recueillies chez ces sujets ainsi que de renseignements sur leur alimentation postnatale (fournis par les mères), les chercheurs font trois constats. Le premier, les enfants nourris au sein ont un taux de glucose moyen sur une période de trois mois – mesuré par l'hémoglobine glyquée — plus bas que ceux qui n'ont pas profité de l'allaitement maternel. Deuxième constat, plus un enfant a été allaité longtemps, plus son taux de glucose moyen sur trois mois est faible. Troisième constat, l'âge auquel les aliments solides ont été introduits et la durée de l'allaitement exclusif au sein n'ont aucune incidence sur le taux de glucose moyen ou sur les différents paramètres morphométriques des jeunes.
«Nos résultats suggèrent qu'on peut atténuer les répercussions négatives de l'exposition au diabète de grossesse sur les enfants par un allaitement maternel prolongé, résume la professeure Robitaille. On peut ainsi donner une nouvelle chance à ces enfants d'avoir un bon départ dans la vie.» Pour ce qui est de la durée souhaitable de la période d'allaitement, la chercheuse est réaliste. «L'Organisation mondiale de la santé recommande un allaitement maternel exclusif pendant au moins six mois. Si on peut allaiter plus longtemps, c'est préférable, mais je comprends que la situation des mères ne le permet pas toujours.»
L'étude publiée dans Early Human Development est signée par Camille Dugas, Michèle Kearney, Roxanne Mercier, Julie Perron, André Tchernof, Isabelle Marc, S. John Weisnagel et Julie Robitaille. Ces chercheurs sont rattachés à l'École de nutrition, à l'Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels et au Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval.