Les Skype, Zoom et Teams de ce monde se sont révélés de formidables outils de télétravail au cours des derniers mois, mais ils ont tous le même petit défaut. En raison de la position de la caméra, chaque personne a l'impression que son interlocuteur regarde le bas de son visage plutôt que ses yeux.
«Pour établir un contact visuel direct, il faudrait regarder la caméra, mais, du coup, notre interlocuteur se retrouverait en périphérie de notre champ de vision. Pour la plupart des gens, il s'agit d'un inconvénient mineur. Pour les professionnels de la santé, par contre, le contact visuel direct avec les patients est essentiel à la détection des signaux non verbaux. De plus ce contact est important pour que les patients se sentent écoutés et compris», souligne Frédéric Grondin, doctorant en psychologie à l'Université Laval.
L'équipe de recherche dont il fait partie a mis au point un protocole simple et efficace pour corriger ce problème. «Le défi consiste à réduire l'angle entre la ligne qui va de nos yeux à la caméra et celle qui va de nos yeux aux yeux de notre interlocuteur, résume le doctorant. Les tests que nous avons effectués montrent que cet angle doit être inférieur à 2,5 degrés pour qu'une personne ait l'impression que son interlocuteur la regarde directement dans les yeux.»
Pour atteindre cet angle critique, les chercheurs proposent une solution à deux volets dont les détails sont présentés dans un article scientifique qui vient de paraître dans la revue Counselling Psychology Quarterly. D'abord, ils suggèrent de recourir à une webcam externe fixée à un support en col de cygne. Ce support doit être fixé à la table sur laquelle repose le moniteur, de façon à ce que la caméra et l'écran puissent être orientés de façon indépendante.
Le second volet touche le positionnement des deux interlocuteurs. «Idéalement, il faut que chaque personne soit à environ 1,3 m de l'écran. La hauteur de la chaise doit être réglée de façon à ce que le sommet de la tête de chaque personne soit le plus près possible du cadre supérieur du moniteur. De cette façon, l'espace occupé dans l'écran par chaque personne n'est ni trop grand ni trop petit. Cet aspect naturel fait que les interlocuteurs se sentent investis dans l'interaction.»
Frédéric Grondin a commencé à s'intéresser à la question du positionnement thérapeute-patient bien avant la pandémie de COVID-19. «J'ai entrepris mes travaux sur l'efficacité des téléthérapies en 2015. C'est pourquoi les questions du regard mutuel et de l'empathie m'interpellent. Il est important tant pour le patient que pour le thérapeute de pouvoir déceler les expressions faciales, les gestes et la posture parce que ce sont des signaux qui viennent en appui aux propos. Cela est vrai non seulement pour les psychologues, mais aussi pour d'autres professionnels de la santé. En présentiel, il serait impensable qu'un professionnel ne regarde pas ses patients directement dans les yeux.»
L'étude parue dans Counselling Psychology Quarterly est signée par Frédéric Grondin, Anna Lomanowska et Philip Jackson, de l'École de psychologie, du Centre interdisciplinaire de recherche en réadaptation et en intégration sociale et du Centre de recherche CERVO, et par leur collègue Vera Békés, de la Yeshiva University de New York.