
Un séchoir de dimension moyenne peut accueillir environ 160 paquets de bois à la fois. Ils sont regroupés par catégories de produits et par essences selon le temps de séchage requis. Pour un plan couvrant quelques semaines d'opération du séchoir, il y a plus de combinaisons possibles de paquets qu'il y a d'atomes dans l'Univers.
Dans le cadre des activités du consortium de recherche FORAC, le professeur Gaudreault, sa collègue Nadia Lehoux, du Département de génie mécanique, et leur équipe travaillent depuis trois ans sur ce problème d'optimisation des séchoirs de scieries. Rappelons que ces installations servent à accélérer l'évaporation de l'eau présente dans le bois de sciage de façon à en prévenir les déformations et les variations dimensionnelles. L'opération est réalisée dans d'immenses séchoirs où des paquets de planches, de madriers ou d'autres pièces de bois sont regroupés par tailles et par essences. Un séchoir de dimension moyenne peut accueillir environ 160 paquets, il fonctionne en permanence et le temps de séchage varie de 2 à 4 jours pour les résineux. Une fois que le degré d'humidité souhaité est atteint, le lot est sorti et une nouvelle combinaison de paquets prend sa place dans le séchoir.
Jusqu'à présent, les entreprises géraient ce problème – qui fait intervenir des centaines de milliers de variables et de contraintes – en misant sur l'expertise de leur personnel et sur le logiciel Excel. Pour les aider à faire mieux, l'équipe de FORAC a fait appel à des algorithmes d'intelligence artificielle. «Nous appliquons certaines règles pour fouiller l'espace de solutions et arriver à celles qui optimisent l'utilisation du séchoir, la livraison des commandes fermes et les demandes anticipées du marché», explique le professeur Gaudreault. Au cours des deux dernières années, un prototype du logiciel développé par les chercheurs a été progressivement intégré aux opérations de Produits forestiers Résolu, un membre du consortium FORAC. L'expérience a été concluante et l'entreprise utilise maintenant ce logiciel dans la cinquantaine de séchoirs qu'elle opère au Québec et en Ontario. La scierie Maibec pourrait lui emboîter le pas.
Pour l'instant, les responsables des scieries qui recourent au logiciel apprécient le fait qu'il réduit le temps requis pour planifier les opérations de séchage et qu'il est très adaptable, estime le professeur Gaudreault. «L'outil aide à composer plus facilement avec des imprévus comme des bris d'équipement ou des commandes inattendues et urgentes. Le plan d'utilisation du séchoir peut être modifié rapidement et simplement, ce qui permet "d'éteindre des feux", d'aplanir la production et de stabiliser les niveaux d'inventaire.» Les entreprises y trouvent-elles leur compte sur le plan financier? «Il faudra encore quelques mois d'opération avant que nous puissions chiffrer le gain de productivité que procure l'utilisation de notre logiciel, mais toute amélioration de la performance est bienvenue dans cette industrie qui offre près de 60 000 emplois directs aux Canadiens», répond le chercheur.