
«Je suis une personne d'équipe et j'ai toujours eu la conviction que je peux faire mieux en groupe que seul. L'idée de partager des données et des protocoles expérimentaux pour faire progresser la science est naturelle pour moi», souligne l'étudiant-chercheur François-Olivier Gagnon-Hébert.
— Marc Robitaille
Les travaux que cet étudiant-chercheur mène sous la direction des professeurs Nadia Aubin-Horth et Christian Landry à l'Institut de biologie intégrative et des systèmes portent sur le parasite Schistocephalus solidus, un cousin du ver solitaire. «Il s’agit d’un organisme modèle qui est étudié depuis plus de 200 ans en parasitologie, souligne-t-il. L’intérêt pour cette espèce vient du fait que son cycle vital est très complexe.» En effet, les différentes étapes de la vie de ce ver se déroulent successivement dans un crustacé, dans une espèce de poisson – l’épinoche à trois épines – et dans les oiseaux qui s'en nourrissent. Le doctorant a utilisé une approche d'écologie génomique pour établir des liens entre les changements morphologiques et physiologiques survenant au cours de la vie de ce parasite et les gènes qui sont exprimés à chaque stade.
Les méthodes auxquelles il a fait appel pour recueillir ces données et pour les analyser sont loin d’être simples et elles n’auraient pas pu être décrites en détail dans le cadre restrictif d’un article scientifique habituel. «C’est le cas pour la plupart des recherches, souligne le doctorant. Consciemment ou non, les auteurs donnent rarement assez de précision pour que d’autres chercheurs puissent refaire leur expérience.» Les responsables de la revue GigaScience lui ont suggéré de se tourner vers le site Web protocols.io. «Il s’agit d’une plateforme collaborative où les chercheurs peuvent déposer des protocoles expérimentaux dans un format standard, sans limite d’espace, explique-t-il. On peut ensuite citer ce document comme on le fait pour un article scientifique. Le site contient déjà plusieurs milliers de protocoles. C’est le genre d’outil que j’aurais aimé avoir à ma disposition lorsque j’ai commencé mon doctorat. Désormais, ceux qui voudront travailler sur ce parasite seront en mesure de voir comment j'ai procédé, ce qui leur permettra d’être beaucoup plus efficaces.»
Le doctorant a aussi déposé l’ensemble de ses données brutes dans GigaDB, un site lié à la revue GigaScience. Tous les outils permettant de répéter l’expérience sont donc à la portée de la communauté scientifique. Plus encore, les données brutes sont ouvertes à tous, ce qui signifie que d’autres chercheurs peuvent les utiliser pour leurs propres publications tout simplement en citant la source. Cette philosophie du libre accès tranche diamétralement avec l’idée voulant que les données appartiennent aux chercheurs, qui ont investi temps et argent pour les récolter. François-Olivier Gagnon-Hébert estime qu'environ la moitié des chercheurs de son environnement immédiat sont ouverts à cette forme de partage. «Tout le monde n'est pas rendu là, constate-t-il toutefois. Il se peut que ce soit une question de génération ou encore de domaine de recherche. Lorsque des chercheurs doivent investir beaucoup d'argent et de temps pour générer des données, je peux comprendre qu'ils soient moins enclins à les partager. Par ailleurs, contrairement à ce que certains avancent, je ne crois pas que les chercheurs qui utilisent les données des autres dans leurs travaux sont des parasites dans l'écosystème de la recherche.»
Dans le débat sur le libre accès, François-Olivier Gagnon-Hébert a clairement choisi son camp. «À cette époque où des masses de données sont générées par les chercheurs, il me semble essentiel de les mettre en commun. Non seulement ce partage favorise-t-il un avancement plus rapide des connaissances, mais il permet de rentabiliser au maximum les fonds publics investis en recherche.» Cet ancien porte-couleur de l'équipe de basketball du Rouge et Or ne nie pas que son passé de sportif puisse teinter sa vision des choses. «Je suis une personne d'équipe et j'ai toujours eu la conviction que je peux faire mieux en groupe que seul. L'idée de partager des données et des protocoles expérimentaux pour faire progresser la science est naturelle pour moi.»