
Des techniciens enquêteurs au travail à Washington, lors de la crise des attentats à l'anthrax, en 2001.
Le 17 novembre, Caroline Duchaine a retracé les grandes étapes qui ont conduit à la mise au point de cette méthode lors d'une conférence prononcée à l'invitation de la Faculté des sciences et de génie et de la Chaire CRSNG - Industrielle Alliance pour les femmes en sciences et en génie au Québec. L'équipe de la professeure Duchaine travaille depuis quelques années à l'amélioration des techniques de détection des armes bactériologiques utilisées par la Défense nationale. La technique actuelle fait appel à un appareil optique qui repère l'abondance dans l'air ambiant de spores de bactéries qui deviennent fluorescentes après une exposition au rayonnement ultraviolet. En 2005, la chercheuse et son équipe ont démontré l'existence d'un lien étroit entre la viabilité d'une bactérie, et conséquemment le risque qu'elle pose pour la santé humaine, et sa fluorescence intrinsèque. Ainsi, une élévation brusque et inexpliquée du nombre de spores viables dans une zone où sont déployées des troupes peut constituer la signature d'une attaque bactériologique.
Les méthodes permettant d'établir rapidement l'identité d'une bactérie suspecte tardaient toutefois à se matérialiser. En effet, les bactéries utilisées comme armes se présentent sous forme de spores — elles sont entourées d'un manteau qui assure leur survie dans des conditions défavorables —, ce qui complique grandement le travail d'identification. Pour les débarrasser de cette enveloppe et permettre un diagnostic à partir du matériel génétique contenu dans la cellule, il fallait placer les spores dans un milieu de culture pendant deux à trois jours, aussi bien dire une éternité en cas d'attaques bactériologiques.
L'équipe de la professeure Duchaine a mis au point un protocole en plusieurs étapes, faisant appel à des produits chimiques et à des enzymes, qui vise à enlever l'une après l'autre les couches protectrices de la spore — il y en a trois ou quatre — sans endommager la bactérie. Par la suite, les chercheurs ont recours à des sondes qui entrent dans la cellule et s'apparient naturellement à certaines séquences d'ARN. Lorsqu'une sonde trouve un ARN complémentaire propre à une espèce donnée, il y a appariement et le complexe qui en résulte produit une fluorescence, confirmant ainsi l'identité de la bactérie. «Nous pouvons aussi déterminer si la bactérie est résistante à certains antibiotiques, ce qui permet de choisir un traitement approprié pour soigner les personnes qui y auraient été exposées», précise Caroline Duchaine.
Toutes ces étapes exigeraient moins d'une heure de travail. «Il nous reste à transposer à petite échelle notre protocole de laboratoire afin de l'intégrer à l'appareil utilisé par la Défense nationale», précise la chercheuse. Cette avancée constitue un pas de plus vers la détection et l'identification en temps réel des espèces employées lors d'attaques bactériologiques. Le même protocole pourrait être appliqué pour déterminer l'identité de bactéries responsables d'intoxications alimentaires.