
Une fois dans l’atmosphère, le diméthyle de sulfure émis par le phytoplancton réagit avec d’autres molécules, ce qui conduit à la formation d’aérosols et de noyaux de condensation qui contribuent à la formation de nuages.
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La quantité de sulfure de diméthyle (DMS) libérée par le phytoplancton est en forte augmentation depuis deux décennies dans l’océan Arctique, révèle une étude qui vient de paraître dans les Proceedings of the National Academy of Sciences. Cette hausse, qui serait liée à la diminution du couvert de glace provoquée par le réchauffement climatique, pourrait accentuer les changements climatiques qui frappent déjà durement cette région du monde, estiment les auteurs de l'étude.
Martí Galí, Marcel Babin et Maurice Levasseur, du Département de biologie, de Québec-Océan et de l'Unité mixte internationale Takuvik, et Emmanuel Devred, de Pêches et Océans Canada, ont utilisé des données obtenues par télédétection pour documenter l'évolution de la biomasse de phytoplancton dans les eaux arctiques au nord du 70e parallèle entre 1998 et 2016. À l'aide d'un modèle, ils sont parvenus à estimer le volume de DMS produit par ces microorganismes marins.
Une fois dans l’atmosphère, le DMS réagit avec d’autres molécules, ce qui conduit à la formation d’aérosols et de noyaux de condensation qui contribuent à la formation de nuages. «Lorsque la lumière solaire est faible, soit pendant une bonne partie de l'année dans l'Arctique, ces nuages agissent comme une couverture isolante qui ralentit le refroidissement de la surface du globe, explique Marcel Babin. Durant l’été par contre, ces nuages agissent comme des ombrelles qui bloquent le rayonnement solaire, ce qui favorise un refroidissement du climat.»
Les analyses des chercheurs montrent que les émissions de DMS ont augmenté de 33% par décennie durant la période couverte par l'étude. Ces hausses seraient surtout attribuables à la diminution de la superficie du couvert de glace pendant l'été dans l'océan Arctique. Selon leurs calculs, la disparition totale de ce couvert pourrait conduire à une hausse de 240% des émissions de DMS par rapport aux valeurs actuelles. «Les répercussions de cette hausse sur le climat sont incertaines pour l’instant, mais les physiciens et les chimistes de l’atmosphère doivent en tenir compte dans leurs modèles prévisionnels», souligne Maurice Levasseur.
Les résultats de cette étude pourraient aider à mieux comprendre les répercussions du phytoplancton marin sur le climat dans l'Arctique. Ils pourraient également permettre de prévoir comment l’environnement arctique risque d'évoluer sous la pression des changements climatiques, avancent les chercheurs.