Mahée Gilbert-Ouimet, Chantal Brisson, Alain Milot et Michel Vézina, de la Faculté de médecine et du Centre de recherche du CHUQ, ont suivi pendant cinq ans 1062 femmes de la région de Québec qui occupaient un emploi de col blanc. Les chercheurs ont mesuré l'effet combiné des stresseurs psychosociaux au travail et des responsabilités familiales sur la pression artérielle de ces travailleuses.
La pression artérielle des participantes a été mesurée au tout début de l'étude puis trois ans et cinq ans plus tard. Chaque fois, les femmes devaient porter un appareil qui enregistrait automatiquement la pression toutes les 15 minutes pendant une journée de travail. Un questionnaire portant sur le nombre et l'âge de leurs enfants ainsi que sur le partage des tâches ménagères et parentales a servi à estimer l'ampleur de leurs responsabilités familiales.
Quant au stress au travail, il a été mesuré en estimant les efforts exigés par leur poste – nombre d'heures travaillées, interruptions fréquentes des tâches, contraintes de temps – et la reconnaissance qu'elles en tiraient en terme de rémunération, marques de respect et d'estime, sécurité d'emploi et perspectives de promotion. Lorsque les efforts sont élevés et que la reconnaissance est faible, les chercheurs disent qu'il y a déséquilibre efforts-reconnaissance.
L'analyse des données révèle que la pression artérielle des femmes qui occupent un emploi caractérisé par un déséquilibre efforts-reconnaissance et qui, en plus, ont des responsabilités familiales élevées est 3 mm plus élevée que celles qui n'ont aucun de ces stresseurs. «Ça peut sembler peu, reconnaît l'étudiante-chercheuse Mahée Gilbert-Ouimet, mais une diminution de 2 mm de la pression artérielle se traduit par une réduction de 7% des maladies coronariennes et de 10% des accidents vasculaires cérébraux.»
Endosser des rôles multiples, comme ceux de mère et d'employée, peut entraîner un stress physiologique et psychologique potentiellement néfaste à la santé cardiovasculaire, poursuit-elle. Comment s'en prémunir? «Pour les femmes, la chose la plus simple est de modifier l'environnement familial en négociant une meilleure répartition des tâches avec leur conjoint.» Au travail, certaines solutions comme un allégement des tâches ou une meilleure rémunération sont plus complexes à négocier, admet l'étudiante-chercheuse. «Par contre, les encouragements, les marques de respect et la reconnaissance du travail bien fait sont faciles à mettre en application et ne coûtent rien.»