Cette expérience constitue l’une des rares démonstrations du principe de réciprocité en action à l'intérieur d'une entreprise dans le monde réel du travail. Inspiré par la sociologie et l’anthropologie, le principe de réciprocité veut que l’acceptation d’un cadeau entraîne l’obligation morale de donner en retour. Les chercheurs ont eu l’idée de tester ce principe en l’appliquant à un groupe de planteurs d’arbres de la Colombie-Britannique.
Au début d’une journée de travail, chacun d’eux a reçu une somme de 80 $, présentée comme un cadeau de la part de leur employeur à la suite d'un surplus réalisé lors d'un contrat précédent. Il s’agissait donc d’un cadeau inattendu et les travailleurs étaient avisés qu'ils n’allaient le recevoir qu'une fois, peu importe leur productivité subséquente. Pourtant, cette journée-là, chaque travailleur a planté 113 arbres de plus que la moyenne journalière de 1000 plants. «Planter des arbres est un travail difficile physiquement et, même s'ils n'étaient pas tenus de le faire, les employés ont trouvé l'énergie pour travailler encore plus fort en guise de remerciement pour le cadeau, analyse Charles Bellemare. C'est une réponse émotive qui révèle quelque chose sur la nature humaine.» La hausse de productivité, plus significative chez les employés qui avaient davantage d’ancienneté, s'est estompée après trois ou quatre jours.
Si le principe de réciprocité s'applique dans un contexte aussi peu propice que la plantation d'arbres, il y a de fortes chances pour qu'il s'applique dans les autres secteurs d'emploi, avance le professeur Bellemare. «Offrir un cadeau peut donc aider à stimuler la productivité à court terme. Par contre, on ignore si les employés auraient la même réaction s'ils recevaient des cadeaux à répétition», ajoute-t-il. Les deux chercheurs présentent les détails de leur étude dans le site Web de l’Institute for the Study of Labor, un organisme privé, basé en Allemagne, qui s’intéresse aux analyses économiques du marché du travail.