Les Québécois ont-ils la dent sucrée? Oui et non, si on en juge par les conclusions d’une étude menée par une équipe de l’École de nutrition et de l’Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels de l’Université Laval. En effet, notre consommation de sucre se situe dans la bonne moyenne des pays développés, mais elle est néanmoins trop élevée par rapport aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Près de 6 Québécois sur 10 dépassent la limite de consommation quotidienne de sucres libres, rapportent les chercheurs dans un article qui vient de paraître dans la revue Nutrients.
Ce constat se dégage d’une enquête menée auprès de 1147 hommes et femmes de 18 à 65 ans vivant au Québec. Les participants devaient remplir à trois reprises un questionnaire Web dans lequel ils devaient consigner tous les aliments et boissons qu’ils avaient consommés dans les 24 dernières heures. Grâce à ces données et grâce à un outil de référence permettant d'estimer la quantité de sucres libres et de sucres naturellement présents dans les aliments, les chercheurs ont estimé la quantité de chaque type de sucre consommé quotidiennement par les répondants.
«Nous avons utilisé la définition de l'OMS pour les sucres libres, souligne la responsable de l'étude, Simone Lemieux. Il s'agit des sucres ajoutés aux boissons et aux aliments ainsi que des sucres présents dans les jus de fruits, les sirops ou le miel. Contrairement aux sucres présents naturellement dans les aliments, les sucres libres ont été libérés de la matrice alimentaire dont ils proviennent.»
Si les sucres libres sont problématiques, c'est parce qu'ils sont absorbés rapidement, qu'ils provoquent des variations brusques de la glycémie et qu'ils perturbent le contrôle de l'appétit. Ils favorisent ainsi le gain de poids et le syndrome métabolique. «De plus en plus d'études suggèrent que les sucres libres contenus dans les boissons sucrées sont particulièrement néfastes», précise la professeure Lemieux.
Voici les principaux constats qui se dégagent de l'étude:
la consommation totale de sucres se chiffre, en moyenne, à 116 g par jour, ce qui représente 19 % de l’apport énergétique quotidien
62 % du total provient de sucres libres, soit 12 % de l'apport énergétique quotidien
57 % des répondants dépassent la limite de 10 % que l'OMS recommande pour l'apport énergétique quotidien provenant des sucres libres
Cette consommation de sucres libres place les Québécois en milieu de peloton à l'échelle internationale. Ainsi, les Espagnols font mieux (7 % de l'apport énergétique quotidien), les Suisses (11%) et les Australiens (12 %) obtiennent des résultats comparables et les Allemands font pire (14 %).
Cette comparaison n'est pas désolante, mais elle ne devrait pas suffire à nous consoler. «La consommation de sucres libres constitue un problème de santé publique auquel il faut s'attaquer, insiste la professeure Lemieux. Le nouveau Guide alimentaire canadien fait un effort de sensibilisation en ce sens en faisant la promotion de la consommation d'eau.»
Il faudrait toutefois aller plus loin, poursuit la chercheuse. Idéalement, le Canada devrait adopter une politique d'étiquetage explicite, avec un logo par exemple, afin que les consommateurs sachent qu'un produit a une teneur élevée en sucres libres. «L'industrie a aussi un rôle à jouer en adaptant son offre de produits. Au cours des derniers mois, des fabricants de yogourt ont fait la preuve que la chose était faisable en mettant en marché des produits dans lesquels une partie des sucres libres a été remplacée par des morceaux de fruits.»
Les signataires de l’étude parue dans Nutrients sont Amélie Bergeron, Marie-Ève Labonté , Didier Brassard , Alexandra Bédard, Catherine Laramée, Julie Robitaille, Sophie Desroches, Véronique Provencher, Charles Couillard, Marie-Claude Vohl , Benoît Lamarche et Simone Lemieux.