Des chercheurs de l'Université Laval viennent de réaliser une percée qui pourrait aider à mieux comprendre et à mieux traiter le lupus, une maladie auto-immune dont la cause exacte est présentement inconnue. Dans une étude qui vient d'être publiée par Science Translational Medicine, ces chercheurs démontrent que l'ADN libre qui circule dans le sang des personnes atteintes de lupus et qui provoque la réaction auto-immune typique de cette maladie provient, en partie, des plaquettes sanguines.
Le lupus est une maladie auto-immune qui cause l'inflammation chronique de différentes parties du corps, notamment les articulations, la peau, le cerveau et les reins. Il frappe environ 40 personnes sur 100 000, souvent entre 20 et 40 ans, et sa prévalence est 9 fois plus élevée chez les femmes. Le lupus se présente sous différentes formes et son diagnostic est difficile à établir.
Par contre, un dénominateur commun des formes sévères de la maladie est la présence dans le sang d'anticorps contre l'ADN, souligne le professeur Éric Boilard, de la Faculté de médecine, du Centre de recherche ARThrite et du Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval. «Lorsque l'ADN est libre dans le sang, il y a formation de complexes antigènes-anticorps qui s'accumulent dans les tissus où s'exprime la maladie. On ignorait la provenance exacte de ce matériel génétique. Les soupçons portaient sur des cellules sanguines pourvues d'un noyau, et donc d'ADN nucléaire, comme les neutrophiles ou les lymphocytes.»
Grâce à la collaboration du professeur et chercheur clinicien Paul R. Fortin, l'équipe d'Éric Boilard a analysé des échantillons sanguins prélevés sur 74 personnes atteintes de lupus. Les résultats leur réservaient une surprise. L'ADN en question provient des plaquettes, un élément du sang dépourvu de noyau. «En fait, il s'agit d'ADN présent dans les mitochondries des plaquettes. D'ailleurs, dans le sang de nos sujets, la plus grande partie de cet ADN se trouve encore à l'intérieur des mitochondries. L'organisme produit des anticorps contre les mitochondries et contre l'ADN mitochondrial qu'ils considèrent tous les deux comme des corps étrangers», signale le professeur Boilard.
Les mitochondries et leur ADN seraient libérés par les plaquettes lorsque celles-ci sont activées. Rappelons que ces éléments du sang ont une double fonction. À la suite d'une blessure, elles veillent à stopper l'hémorragie en favorisant la coagulation du sang et elles envoient des signaux pour que les cellules chargées de la défense immunitaire soient dépêchées sur le site. «Nous avons identifié quelles molécules exprimées à la surface des plaquettes sont essentielles pour qu'elles soient activées et qu'elles libèrent leurs mitochondries», précise Éric Boilard.
Cette cascade laisse entrevoir une nouvelle façon de traiter le lupus, poursuit le chercheur. «Cette voie d'activation ne semble pas impliquée dans les fonctions normales des plaquettes telles que la prévention des saignements. Si on intervient dans cette cascade chez les personnes souffrant de lupus, on pourrait empêcher la libération des mitochondries et de l'ADN mitochondrial qui alimentent la réaction auto-immune observée dans cette maladie.»
La liste des auteurs de l'étude figure dans le résumé de l'article paru dans Science Translational Medicine.